Deux jours après l’annonce du leader du Hirak du Rif, Nasser Zefzafi et de cinq de ses codétenus de vouloir « se déchoir de la nationalité de l’État marocain », l’ex-bâtonnier et membre du Comité, qui a assuré la défense des activistes au cours de leur jugement à Casablanca, a adressé une lettre aux principaux intéressés.
S’il assure « respecter » leur décision, l’avocat n’en demeure pas moins « en désaccord » avec le fait qu’ils l’aient prise. Hespress FR propose le texte intégrale rédigé par Me Abderrahim El Jamaï, où il interpelle directement les six activistes, condamnés à de lourdes peines de prison allant de 20 ans fermes pour Nasser Zefzafi, Nabil Ahamjik, Ouassim Boustati et Samir Ighid, à 15 ans pour Zakaria Adehchour et Mohamed Haki.
« Vous avez souffert de l’amertume de l’arrestation, de la prison et des procès… Je le sais et je témoigne devant l’Histoire que…
Vos attitudes étaient des leçons de sacrifice, de patience, de ténacité, et de rares signes de défi, même de mourir après des semaines, voire des mois de grèves de la faim… Enveloppés de respect, de reconnaissance et de solidarité autour de vous, avant de soutenir votre cause.
Vous avez suscité respect, appréciation et solidarité, aux niveaux local et international.
Des démocrates, des organisations et des instances marocains, maghrébins ont soutenu votre cause rentrée, avec les procès collectifs de masse à Casablanca et autres procès connexes, dans l’Histoire politique la deuxième décennie de ce siècle, une mauvaise référence pour la Justice à l’ère d’une nouvelle Constitution, et une question fatale pour le Maroc, ses hommes politiques, son gouvernement et ses ministres.
Vous êtes libre de prendre les positions que vous voulez, en protestant, en divulguant, en défendant, en débattant ou par tactique… Vous êtes porteurs de volonté, la conviction et d’opinion, et personne ne peut vous tromper, essayer de vous orienter ou vous influencer. Vous avez collectivement décidé de renoncer à la nationalité marocaine, ce qui est un “précédent” dans l’histoire de la lutte des détenus politiques. Je salue votre audace, et je respecte votre décision.
Je ne suis pas d’accord avec vous, la déchéance de la nationalité n’est pas une arme de lutte, des droits politiques ou des droits de l’Homme. Elle n’est ni une tactique progressive ni une position stratégique. Elle n’est pas non plus une expression de douleur, d’anxiété ou d’indignation ni une expression de sympathie, de soulèvement ou de révolution… Non.
L’attribution de la nationalité n’est pas un présent offert aux clans, aux enfants, aux juristes, aux combattants, à l’Histoire, au ciel, à Dieu, à ses messagers. Pas même au Makhzen, au gouvernement ou aux larbins du pouvoir, et à ceux qui portent l’épée de l’oppression, de la répression, de l’intimidation, de l’autoritarisme, de la corruption et du pillage…
Je dis que je ne suis pas d’accord avec vous, en évoquant des millions de ceux qui vivent marginalisation, oppression, pauvreté et maladies dans les villes, les campagnes, hiver comme été, et ceux qui vivent dans l’injustice en éveil et même dans leurs rêves, femmes, jeunes et enfants.
De l’indépendance de cette patrie à ce jour, des centaines de morts, condamnés, exécutés et prisonniers politiques des luttes politiques, sociales et juridiques au Maroc, il n’a jamais été question de renoncement à la nationalité, car la nationalité n’est l’apanage de personne, ni du pouvoir, ni du souverain.
La nationalité comme la patrie sont comme l’air et le soleil. On ne peut pas vivre ou agir sans sans. Avec mes salutations et mon appréciation à vous, Ô prisonniers politiques.
Un citoyen comme vous, Abderrahim Jamaï ».