À l’âge des réseaux sociaux et des nouveaux médias, l’industrie du journalisme, telle qu’elle a été conçue il y a des décennies, est contrainte à des transformations profondes qui altèrent profondément ses modes opératoires et la menacent jusqu’à dans son existence.
Tel est le constat plutôt prémonitoire établi, dimanche à Tanger, par des professionnels du journalisme, du management et des nouvelles technologies réunis dans le cadre d’un panel sur le journalisme à l’âge des nouveaux médias, organisé en marge de la 2e conférence « CyFy Africa : Technologie, Innovation et Société ».
Le journalisme, dans sa déclinaison traditionnelle, est aujourd’hui malmené par les nouveaux paradigmes imposés par les réseaux sociaux, qui semblent avoir opéré un changement radical dans les manières de produire, de diffuser et de consommer des informations journalistiques, et ont ainsi pris le dessus notamment en matière d’informer le public, ont observé les panélistes.
Le métier est aussi grandement boulversé par la course aux clics qui motive de plus en plus les nouveaux acteurs auto-proclamés du journalisme, et qui très souvent relègue des principes déontologiques, comme la précision, la crédibilité et même l’intégrité du journaliste au dernier plan, ont-ils regretté.
Comment donc se libérer des contraintes du web? Comment rester économiquement à flot sans se faire emporter par les nouveaux paradigmes du succès? Quelle formule pour utiliser à bon escient les horizons qu’offre Internet pour inverser la tendance de la médiocrité? Faut-il revenir aux raisons d’être de base du journalisme, dont l’éducation du public? Autant de questions qui ont été posées, et auxquelles les intervenants ont tenté d’apporter des débuts de réponses.
L’un des avantages majeurs des médias traditionnels est d’abord la crédibilité, a-t-on noté. Face à une marrée de fake news toujours plus envahissante et plus audacieuse, la crédibilité peut s’avérer une arme efficace aux mains des journalistes de ces médias. « Si l’on arrive à en faire le bon usage, à exposer les contrevérités véhiculées par les champions de la fake news, l’on aura une chance certaine de récupérer une bonne partie du public », a estimé Ali Aslan, présentateur TV international.
Le journalisme est un « bien public »
Ce faisant, il est tout autant nécessaire de s’affranchir, dans la mesure de la raison, de la mentalité exclusivement statistique selon laquelle le succès se mesure en clics, a soutenu Chitra Subramaniam, journaliste indienne de renom. Le journalisme, a-t-elle maintenu, doit et peut retrouver son rôle de base sans craindre une ruine certaine.
D’autres intervenants ont souligné qu’au lieu de s’arcbouter sur « ce que le public veut », il convient de partir du postulat que le journalisme est un « bien public », et de s’intéresser à ce qui est dans l’intérêt du public, ce qui est de nature à servir le bien commun, le bien-être général et la sécurité de tous les membres de la communauté.
Les discussions ont également porté sur les bienfaits d’Internet et des réseaux sociaux qui, s’ils sont utilisés comme il convient, peuvent servir les médias traditionnels, leur ouvrant des horizons jusque-là inaccessibles et un public désabusé.
La deuxième édition de la CyFy Africa a réuni, trois jours durant, des experts, des officiels et des professionnels du journalisme venus d’une soixantaine de pays.
Les discussions ont été riches et ont donné des points de vue divergents sur les dangers de la sphère numérique, notamment en rapport avec la propagation des discours de radicalisation et de la désinformation, mais aussi sur les opportunités qu’elle offre tant au niveau du commerce et de la communication, qu’à celui de l’éducation et du savoir.