L'apprentissage en langue maternelle: une preuve de Goulmima

L'apprentissage en langue maternelle: une preuve de Goulmima
samedi 14 septembre 2019 - 18:43

Accumulant plus de 30 ans d’expérience dans l’éducation, Omar Taous est enseignant à l’école primaire Magamane à Goulmima (province d’Errachidia). Sa méthode pédagogique se distingue par l’emploi du Tamazight, première langue d’expression des élèves, comme outil de compréhension. Consistant à les impliquer à travers des exercices ludiques, cette méthode donne des résultats plus que probants. Reportage.

« Le professeur est un rêveur, il ne faut pas le déranger ». Ce morceau de couplet signé Bernard Sauva aurait bien pu servir de credo pour Omar Taous. Enseignant à l’école primaire Magamane à Goulmima (province d’Errachidia) et poète à ses heures perdues, il forge l’idée de transmette le très sérieux « goût du savoir » aux élèves, sans que ces derniers se sentent pour autant effarouchés. Et ce dès leurs toutes premières années sur les bancs de l’école.

Pour la quasi-totalité des élèves amazighphones de cette région oasienne du sud-est, l’école est synonyme de découverte et d’apprentissage de deux langues élémentaires : l’arabe et le français. C’est aussi, pour eux, le début de l’assimilation du raisonnement logique à travers les mathématiques.

« Les représentations psychologiques des élèves sont en langue Amazighe. Mes cours consistent à commencer à développer leurs capacités cognitives, tout en veillant à ce qu’il n’y ait pas rupture épistémologique entre l’école et son environnement proche », esquisse Omar Taous.

En tandem avec ses poulains

Pour donner vie à sa méthodologie d’apprentissage, l’instituteur aux plus de 30 ans de métier n’hésite pas à parler de « contrat social » avec ses élèves. Et en la matière, les règles sont bien strictes :« Il faut distinguer une méthode de crier fort pour se faire comprendre par une partie des élèves et une méthode de s’expliquer assez, en leur langue maternelle, pour que tout le monde comprenne », insiste-t-il.

Au-delà du programme scolaire à parachever, l’instituteur qui nous a ouvert les portes de sa classe propose à ses élèves de contribuer à leur propre éducation primaire. Quelle que soit la matière enseignée, le recours au théâtre, aux chants et aux exercices pratiques donne des résultats probants. Ce qui n’est pas sans déplaire aux bambins. Ainsi découvrent-ils, peu à peu, leur propre manière d’apprendre en utilisant les moyens, essentiellement limités, mises à leur disposition.

« Les pièces théâtrales reposent notamment sur la mimique et les expressions corporelles, alors que les chants servent à expliquer des termes nouveaux pour les élèves. D’autre part, l’apprentissage manuel développe chez eux le sentiment d’avoir produit quelque chose », dévoile Omar Taous, comme pour expliquer le point de départ d’une discipline philosophique.

Élèves, la parole est à vous

En classe, toute réponse au maître en blouse doit être justifiée. Humble, le maître des lieux déclare que son devoir se limite à préparer ses élèves à réussir leurs échelons futurs, qu’ils puissent ainsi « être aptes à passer d’un dialogue péremptoire à un dialogue argumenté », prévoit, en toute confiance, l’auteur de deux recueils éducatifs de poème publiés avec l’aide de l’Institut royal de la culture Amazighe (IRCAM).

Portant des titres évocateurs, le premier ouvrage a comme nom Ijddign n Ignna (littéralement les fleurs du ciel, une réadaptation des Fleurs du mal de Charles Baudelaire), tandis que le second s’intitule Outa y Anzar (littéralement : La pluie tombe).

Même les punitions, en cas de non-respect de l’une des règles de classe, s’exécutent en jouant, et en expliquant le méfait de l’acte commis. A ce propos, l’instituteur raconte un de ses innombrables souvenirs en classe : « Un jour et en toute spontanéité, un de mes élèves a dit en s’expliquant devant ses camarades : « le maître a puni la faute que j’ai commise et non pas ma propre personne ». Je n’aurais pas pu dire mieux ».

Il y a quelques années, une délégation nipponne de passage dans la région du Tafilalet avait effectué une visite à l’école de notre instituteur. Il en garde un excellent souvenir. Quant à eux, « ils étaient ébahis », se remémore-t-il.

Enseignement tout terrain

Omar Taous déplore qu’aujourd’hui, des élèves atteignent le collège sans maîtriser convenablement l’arabe et le français. « Avant, un élève qui avait besoin de plus de temps pour apprendre à lire, à écrire et à mettre en ordre ses idées pouvait redoubler, explique-t-il, cela ne se fait quasiment plus dans les écoles à cause du surpeuplement qui réduit la qualité de l’enseignement ».

L’enseignant qui a vu défiler devant ses yeux des générations entières ne se décourage pas pour autant. Mais il conditionne l’exercice de son métier à la dévorante volonté de faire transmettre le savoir. « Que ce ne soit pas un choix par défaut, lorsque le choix est permis. Car beaucoup de collègues ont choisi ce métier par manque de perspectives professionnelles », concède-t-il.

Enfant de la région, Omar Taous entretient également des relations avec des familles nomades dont les enfants ne disposent pas d’école fixe. En période de vacances scolaires, le père de famille n’hésite pas à prendre le dénivelé du mont Baddou, fief des Aït Merghad, pour ainsi dispenser des cours aux fils des pasteurs.

« Il faut s’occuper des habitants de la montagne. Leurs enfants doivent aussi avoir le droit à un enseignement digne de ce nom », affirme l’instituteur. Dormir, là-haut, sous la belle étoile ne l’indispose point. Au contraire, rien (ou presque) ne peut le déranger…

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