Le Grand oral d'El Othmani en Tamazight : Des réactions mi-figue, mi-raisin

Le Grand oral d'El Othmani en Tamazight : Des réactions mi-figue, mi-raisin
dimanche 27 janvier 2019 - 17:19

C’était une première dans l’Histoire contemporaine du Maroc. Le 24 janvier dernier, le Chef du gouvernement a donné une interview télévisée en Tamazight à la 8éme chaîne de la SNRT. Son entretien avec la journaliste et animatrice de l’émission Abrid n’tnamurt (la voie de la citoyenneté), Fatima Ouchraâ, a naturellement été suivie de nombreuses réactions. En voici quelques exemples notables. 

Allant d’une position soutenant l’idée, pour le moins symbolique, à une contre-position qui affirme que les Marocains demandent d’abord l’application et l’emploi du Tamazight dans divers domaines de la vie courante, les réactions suscitées par l’interview de Saâd-Eddine El Othmani ne vont pas toutes dans le même sens.

Président de la Fédération national des associations Amazighes (plus connue sous le nom d’Aztta), Ahmed Arahmouch propose, sur un ton critique, au Chef du gouvernement de « porter suffisamment haut les valeurs Amazighes pour dire au peuple que vous êtes incapable de faire quoi que ce soit en ce qui concerne notre identité ». Il déclare que Saâd-Eddine El Othmani « ne pourrait sortir de la ligne arabo-islamique de son parti », le PJD.

Inna yawn umghar azrf n tmazight ghid s ssin yirn !!! ???? في لقاء لرئيس الحكومة/رئيس الحزب الحاكم مع قناة تامازيغت…

Publiée par Ahmed Arrehmouch sur Jeudi 24 janvier 2019

L’avocat et acteur associatif dit « rappeler » à Saâd-Eddine El Othmani trois points, objet de polémique. Il cite ainsi la promesse du chef de l’Exécutif, courant octobre 2018, que le projet de loi organique définissant le processus de mise en œuvre du caractère officiel de l’Amazigh et son intégration dans le système éducatif sera publié dans un délai n’excédant pas les deux mois. Au cours de son entretien télévisé, Saâd-Eddine El Othmani a annocé le report du dépôt de ce texte de loi (accusant plusieurs années de retard) au mois de mars prochain.

Deuxièmement, Ahmed Arahmouch renvoi le Chef du gouvernement à son engagement, formulé en juin 2018, de ne plus charger les instituteurs de langue Amazighe d’enseigner d’autres langues. « Nous sommes aujourd’hui surpris d’apprendre qu’il existe 22 cas contraires où la langue Amazighe est remplacée par l’arabe ou le français ». Et en fin, le président d’Aztta interpose la déclaration d’El Othmani, confirmant que l’écriture en caractére Tifinagh est une décision royale irréversible, à la position du groupe parlementaire PJD qui « refuse catégoriquement d’indiquer ceci dans le projet de loi organique ».

La langue au coeur des luttes partisanes

L’analyse du journaliste et chercheur Abdallah Boutchtart va dans le même sens en considérant que l’intervention du Chef du gouvernement « se situe dans le contexte de la lutte de son parti avec un autre parti de la majoritaire au sujet de la récupération extensive de la question Amazighe ».

لن نرد على تصريحات السيد العثماني بخصوص الامازيغية، لأن ماقاله يدخل في اطار صراع حزبه مع حزب آخر في الاغلبية، حول…

Publiée par Amgaws Bouchtart sur Vendredi 25 janvier 2019

L’auteur du livre « Tamazight et le parti : études politiques et juridiques au sujet de l’interdiction » bientôt dans les libraires insiste sur l’indépendance du mouvement appelant à la concrétisation des dispositions constitutionnelles concernant la langue et la culture Amazighes, « tandis que certains éléments du mouvement se sont joints à des partis sous prétexte d’affronter les islamistes ».

Abdallah Boutchtart expose les « nombreuses intersections mouvement culturel Amazigh avec les courants de l’islam politique et ses partis, en particulier avec le PJD, mais également avec d’autres partis qui prétendent maintenant défendre les Amazighs et écrivent en Tifnang, appartiennent à la majorité gouvernementale et dirigent d’importants secteurs ministériels. Mais ces derniers voient l’Amazigh uniquement comme carburant idéologique pour affronter les islamistes et obtenir des voix ».

Les gaffes de la première fois  

De son coté, le professeur Agrégė d’économie à la FSJES de Kénitra Hassan Azouaoui assure que la réception de Saâd-Eddine El Othmani par la 8éme chaine publique est une initiative louable. « La journaliste Fatima Ouchraâ ainsi que son staff ont affirmé que la compétence n’a ni couleur, ni langue ni culture prédéfinies » déclare-t-il, ajoutant que « Tamazight ne souffre d’aucun complexe linguistique ou lexique ».

حول استضافة رئيس الحكومة بالقناة الأمازيغية:بادرة جيدة أن يُستضاف رئيس الحكومة بالقناة الأمازيغية…فاطمة وشرع برهنت…

Publiée par Hassan Azouaoui sur Jeudi 24 janvier 2019

Egalement acteur associatif de premier rang dans la région du Sud-est, l’universitaire a relevé cependant quelques imprécisions apportées par Saâd-Eddine El Othmani. « Il a confondu entre Agences de développement et Agences régionales, de plus que son discours au sujet du développement des zones de montagne demerait vague, sans oublier le manque d’innovation dans la proposition des solutions ».

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