Fuite des compétences: Une infirmière installée au Canada revient sur les conditions de travail déplorables au Maroc

Fuite des compétences: Une infirmière installée au Canada revient sur les conditions de travail déplorables au Maroc
Photo : Mounir Mehimdate
dimanche 1 janvier 2023 - 13:28

Au Maroc, la fuite des cadres et cerveaux est de plus en plus récurrente, ces dernières années. Alors que le Royaume est en plein chantier de la généralisation de la couverture médicale et a besoin de toutes ses compétences, des dizaines d’infirmiers et médecins quittent le pays pour un meilleur avenir, en raison des conditions de travail désastreuses.

Pour le corps médical et infirmier, le Canada est devenu la destination de premier plan. Malgré le fait que le ciel n’est pas aussi bleu là-bas qu’ici, les infirmiers à titre d’exemple, trouvent dans ce pays ce qu’ils n’ont pas chez eux, à savoir une valorisation du travail de chacun, et une lutte sans merci contre les dépassements.

Dans une vidéo partagée sur les réseaux sociaux, une jeune infirmière, Hafssa Belline, qui a travaillé pendant dix ans à Témara en tant qu’infirmière, a finalement décidé de quitter la mère patrie pour le Canada.

« J’adore mon pays et j’adore mon métier et le fait de venir en aide aux personnes en besoin. Mais j’étais obligée de quitter mon poste et ma nation parce que les conditions de travail n’étaient pas au rendez-vous. Plusieurs raisons m’ont poussée à repenser ma vie et ma carrière en tant qu’infirmière. Et je ne suis absolument pas surprise de constater que plusieurs autres infirmiers et cadres quittent le Maroc pour venir au Canada« , a commencé par révéler la jeune infirmière dans une vidéo de 6 min partagée sur le réseau social Facebook.

Chaque mois, quelque 1.000 infirmiers(e) de différentes nationalités atterrissent au Canada. Rien qu’en octobre 2022, Hafssa affirme que plus de 30 infirmiers sont arrivés du Maroc.

 » Nous avons reçu une correspondance de l’Ordre des infirmiers du Canada pour accueillir ces infirmiers, les aider et les accompagner notamment sur le plan social (les aider à chercher le loyer, etc) pour démarrer leur vie. D’autres vont suivre certainement », a-t-elle précisé.

Concernant les conditions de travail, Hafssa Belline affirme qu’elles sont dix fois plus intéressantes au Canada qu’au Maroc, même si les choses ne sont pas aussi faciles qu’elles le semblent.

 » Ça fait mal de le dire, mais c’est la réalité. On a un ordre des infirmiers, un classificateur de compétences. Et lorsqu’un infirmier commence à travailler au Canada, il n’est pas perdu entre les tâches qu’il doit faire ou pas. Il sait exactement ce qu’il doit faire, il connaît ses limites qui sont bien définies. Il sait où commencent les compétences d’un infirmier enregistré/ auxiliaire et où elles s’arrêtent. Personne ne peut dépasser son périmètre d’action et les tâches qui lui sont confiées« , a-t-elle dit.

Sur ce point, il convient de rappeler que le Mouvement des infirmiers et techniciens de santé du Maroc a beau crier depuis des années pour la mise en place d’un référentiel d’emploi et de compétences (REC) qui définit les tâches de chacun, vu qu’ils se trouvent confrontés à faire des tâches qui ne relèvent pas de leurs prérogatives, et où ils risquent la sanction si ça fini mal. Une revendication qui n’a malheureusement jamais été prise en compte par le ministère marocain de la Santé.

En citant plusieurs exemples des conditions de travail favorable au Canada, Hafssa est revenue sur le salaire des infirmiers. «  Ici tu es payé pour chaque heure de travail. Au Maroc, tu travailles plus que tes heures légales et tu n’es pas payé pour les heures supplémentaires. Si ton collègue tarde à venir, ce qui t’oblige à rester sur place pour une ou deux heures de plus, tu n’es pas payé. Ici, tu travailles 15 min de plus, tu le notes sur le registre, tu es payé à la fin. C’est aussi simple que ça« , dit-elle.

À Québec, la province où vit et travaille la jeune infirmière, il y a ce qu’on appelle le temps supplémentaire obligatoire (TSO) qui est probablement un inconvénient pour certains, précise-t-elle.

« Lorsque tu travailles ce TSO, tu es payé en double. Une heure de travail est à 23 dollars. Si tu rajoutes un shift obligatoire de plus, qui est le TSO tu es payé le double soit 46 dollars l’heure, ce qui est motivant pour une grande catégorie d’infirmiers. La rémunération finale te permet d’avoir un bon niveau de vie, en plus de l’assurance sociale qui est bien aussi« , explique-t-elle.

Après avoir enregistré cette vidéo, Hafssa Belline a précisé que son intention n’est pas d’inciter les infirmiers à venir au Canada et augmenter encore plus la pénurie de cadres médicaux. Mais, elle reste sollicitée au quotidien par plusieurs de ses consoeurs et confrères au Maroc, sur les modalités d’immigration.

« Au Maroc, rien ne te motive pour rester et travailler. Même si tu as la volonté qu’il faut et tu veux servir ton pays, il y a beaucoup d’inconvénients et tu te retrouves à te battre seule, ce qui n’est pas évident. Et je parle en connaissance de cause parce que j’ai vécu ça. J’ai travaillé dans des conditions déplorables, et je me retrouvais à ramer toute seule à contre-courant. Au bout d’un moment j’ai lâché. Même si la personne est motivée et veut tout donner dans le domaine qu’elle a choisi, lorsque tu ne trouves aucun soutien de la part des responsables, tu finis par lâcher« , a-t-elle déploré.

Au Canada, l’Ordre des infirmiers encourage l’immigration et l’accueil de nouveaux profils en leur offrant beaucoup d’avantages. «  Pour mon cas, j’ai dû refaire ma formation dès le début, mais pour certains, l’ordre leur assure une formation et un suivi. Il relève les lacunes de chacun et l’aide à les combler. Il demande aussi à savoir quels sont tes besoins, où tu veux t’améliorer le plus, etc. Si tu choisis un domaine de formation, ils te le font et tu es rémunéré en plus. En effet, lorsqu’on tu es en formation, chaque heure est rémunérée « , explique la jeune infirmière.

Récemment, Hespress Fr avait appris de sources sûres, que 13 infirmiers(e), qui travaillent à l’hôpital provincial de Mohamed Bouafi à Casablanca, avaient quitté leur poste d’un seul coup pour le Canada.

Ayant déjà été sur place et constaté l’état des lieux de cet hôpital, on comprend mieux pourquoi les cadres de santé quittent en masse, face à l’insouciance totale des responsables du secteur. D’ailleurs, le dernier accord signé entre le gouvernement et les syndicats représentatifs du secteur n’a pas été salué par plusieurs professionnels du secteur, notamment les infirmiers qui ont estimé que cet accord ne leur a pas rendu justice ni répondu à leurs revendications.

Parmi les principales revendications des infirmiers et techniciens de santé au Maroc, figure l’indemnisation pour risques professionnels, qui n’est pas prévue dans l’accord, en plus de doléances qui n’engendrent aucun coût financier comme la création de l’ordre des infirmiers et des techniciens de santé, l’élaboration du référentiel d’emploi et de compétences (REC), la révision des conditions de promotion en plus du recrutement des diplômés qui souffrent du chômage et dont le nombre s’élève à quelque 6.000 lauréats, sachant que le secteur connaît une forte pénurie d’infirmiers et TS.

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