Espagne/Affaire Pegasus: Pourquoi la thèse impliquant le Maroc est un écran de fumée

Espagne/Affaire Pegasus: Pourquoi la thèse impliquant le Maroc est un écran de fumée
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jeudi 5 mai 2022 - 16:30

L’affaire de l’espionnage via le logiciel Pegasus du fabricant israélien NSO en Espagne fait couler beaucoup d’encre, au point d’avoir des divergences d’opinion au sein même du gouvernement et des partis politiques ibériques. Si la presse espagnole semble vouloir désigner le Maroc comme coupable, ce n’est pas l’avis de plusieurs officiels. Que cache cette affaire?

Alors que la presse espagnole cherche un coupable extérieur pour détourner l’attention du fond du dossier d’espionnage au Pegasus dans le pays, et qui semble être un problème interne, les politiques eux, sont plus terre à terre. Mais des dissonances entre le gouvernement et les partis politiques ainsi que les institutions espagnoles sont fortement présentes.

« Le gouvernement a des faits vérifiés, c’est ce dont nous nous rendons compte, une attaque extérieure hors des médias d’Etat et illégale, sans autorisation judiciaire », a été menée dans le cadre de l’espionnage au logiciel espion Pegasus qui a touché les téléphones du Premier ministre espagnol Pedro Sanchez, et la ministre de la Défense, Margarita Robles, selon la porte-parole de l’exécutif, Isabel Rodríguez.

Les médias ibériques en guerre contre le Maroc

En conférence de presse après le Conseil des ministres, la porte-parole de l’exécutif, a ajouté qu’elle n’était au courant que de l’espionnage du président et du ministre de la Défense, balayant de la main les nouveaux noms qui ont été cités par la presse espagnole.

En effet, les médias espagnols ont cité l’ancienne ministre des Affaires Etrangères, Arancha Laya Gonzales, et le ministre de l’Intérieur, Fernando Grande Marlaska comme autres victimes du Pegasus. Et cette version a été démentie par le gouvernement espagnol qui a indiqué n’avoir reçu aucun rapport sur l’ex ministre Laya. Et le ministre de l’Intérieur lui-même, a démenti avoir été la cible d’espionnage.

La mention de ces deux noms par les médias n’est pas anodine. Elle renvoie à l’affaire de Brahim Ghali qui avait créé une crise diplomatique majeure entre l’Espagne et le Maroc pendant 10 mois. Laya est celle qui a orchestré l’entrée illégale et en cachette du chef de la milice séparatiste en Espagne et Fernando Grande Marlaska y était fortement opposé.

Et il semblerait que les médias ibériques qui n’ont pas avalé la pilule de la réconciliation entre Rabat et Madrid et le changement de position sur l’affaire du Sahara, cherchent à faire porter le chapeau au Maroc afin de faire pression pour que l’exécutif espagnol se retracte. C’est ce que plusieurs titres de presse ibérique ont semblé vouloir indiquer.

Leur raisonnement part de certaines constatations, notamment la date de l’infection des téléphones des membres du gouvernement espagnol qui se rapproche de la date d’entrée de Brahim Ghali en Espagne, et de la crise diplomatique avec le Maroc.

La presse espagnole a également trouvé le moyen d’impliquer le Maroc du fait que des accusations d’espionnage visant le président français Emmanuel Macron via Pegasus avaient créé un raz de marée dans la presse en France.

Plus tard, le chef de la diplomatie israélienne, Yair Lapid, avait annoncé avoir donné des assurances à la présidence de la République qu’Emmanuel Macron n’avait jamais été espionné, mettant à l’eau ainsi toutes les théories et accusations visant le Maroc.

En outre, s’il fallait suivre ce raisonnement, il aurait fallu que l’Allemagne accuse aussi le Maroc d’espionnage via Pegasus, puisque Rabat était en crise diplomatique avec ce pays au même moment que celle déclenchée avec l’Espagne.

« Le Maroc, après avoir nié catégoriquement sa possession du logiciel Pegasus précédemment, et après avoir eu recours à la justice européenne contre ceux qui ciblaient les intérêts du royaume, n’est plus concerné par une telle propagande dont auteurs qui cherchent à l’alimenter pour accélérer sa propagation », a déclaré un responsable marocain sous couvert d’anonymat à Hespress.

Le ministre espagnol de la Présidence, Félix Bolaños a également blanchi le Maroc des accusations, en répondant à une question qui lui demandait si le gouvernement espagnol soupçonnait le Maroc. « Je ne pense pas pouvoir parler d’un pays, d’une institution ou d’éléments incontrôlés, nous n’avons aucune information à ce sujet », a-t-il déclaré.

Les partis politiques n’accusent pas le Maroc

Outre le gouvernement espagnol qui n’a pas accusé le Maroc, même l’opposition de nature virulente n’a pas incriminé Rabat. Le chef de Vox, Santiago Abascal, n’a pas l’air d’adhérer à la thèse de l’espionnage. Il s’est contenté de dire que si « cet espionnage a réellement existé », la piste du Maroc serait seulement une hypothèse de plus ».

De son côté, la parti Podemos, connu également pour ses positions anti-marocaines, a estimé que le Maroc n’avait aucun intérêt à espionner des indépendantistes catalans qui sont au coeur de cette affaire d’espionnage qui a éclaté il y a quelques jours en Espagne.

En effet, ce sont une soixantaine de membres actifs indépendantistes qui ont dénoncé avoir été la cible d’un espionnage de masse via le logiciel Pegasus, pointant du doigt un espionnage d’Etat au niveau des institutions de renseignement espagnols.

Pour calmer l’affaire, l’exécutif espagnol a annoncé en début de semaine avoir lui-même été ciblé par Pegasus, notamment le chef du gouvernement Pedro Sanchez. « Quel intérêt le Maroc a-t-il d’espionner les personnes issues du mouvement indépendantiste en Espagne? », a déclaré Pablo Echenique, le porte-parole des députés de Podemos.

«Nous avons vu comment des cellules incontrôlées des égouts de l’État ont espionné ceux qu’ils considèrent comme des ennemis du pays», a-t-il indiqué en faisant référence aux services de renseignements espagnols (CNI) qui ont espionné avec Pegasus les indépendantistes catalans.

Enfin, le Parti Populaire, déjà embourbé dans des affaires d’espionnage par le passe, a également éludé la référence au Maroc. «Nous avons été surpris d’apprendre aujourd’hui qu’en 2021, le téléphone du président (du gouvernement) et de la ministre de la Défense avaient été espionnés», a déclaré Ablerto Feijóo, notant au passage le timing de la révélation de cette affaire qui intervient au même moment que l’affaire des indépendantistes catalans.

Suspicieux refus d’enquêter sur cet espionnage

Autre élément surprenant dans cette affaire, c’est que les partis politiques, opposition comprise, ont refusé qu’une d’enquête parlementaire fasse un travail d’investigation pour connaitre les véritables coupables. Ce sont les députés du PSOE (parti au pouvoir), du Parti Populaire, de Vox et de Ciudadanos qui ont voté contre.

Et la raison de ce refus peut s’expliquer par des affaires d’espionnage entre politiques très courantes en Espagne. Elles sont loin d’être inédites ou nouvelles et n’ont rien de scandaleux.

« J’ai été victime de cet espionnage jusqu’à cinq fois », a indiqué l’ancien président de la Communauté de Madrid, un ancien militant du PP, Ignacio González, qui pointe du doigt directement son parti. D’ailleurs c’est une affaire d’espionnage qui a provoqué le limogeage du chef du PP, Pablo Casado qui a été remplacé tout récemment par Ablerto Feijóo.

En 2008, le journal El Pais avait révélé que des fonctionnaires du ministère de l’Intérieur de la Communauté avaient espionné le maire adjoint de l’époque, Manuel Cobo, et Alfredo Prada, ministre de la Justice et deuxième vice-président de l’exécutif d’Esperanza Aguirre.

« Je sais qu’il y a des gens d’autres partis, notamment du PSOE, qui ont été victimes d’espionnage », a déclaré Ignacio González,.

De son côté, l’eurodéputée, Diana Riba, membre du parti indépendantiste catalan ERC, a déclaré dans un entretien à Publico qu’elle était certaine que c’est le gouvernement espagnol qui aurait espionné les indépendantistes catalans.

« Plus qu’une intuition, c’est presque une certitude à 99% que ça été l’État espagnol », derrière cette affaire d’espionnage. « Je ne peux imaginer aucun autre État qui s’intéresse à ce qui se passe dans ces 65 mobiles, qui ont un dénominateur commun : que nous sommes des indépendantistes. Aucun autre gouvernement en Europe ne s’intéresse autant à nous », a-t-elle ajouté.

Pour elle, l’annonce du gouvernement espagnol qui indique que les téléphones de Pedro Sánchez et Margarita Robles ont été infectés par Pegasus en mai 2021 et qui n’a été rendue publique qu’après l’éclatement de l’affaire de l’espionnage des indépendantistes catalans, serait une sorte de diversion.

« Il est clair que vous ne savez pas que vous avez été espionné du jour au lendemain. Ce qu’ils essaient de faire, c’est de créer un écran de fumée », a-t-elle estimé.

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