France: Quels pouvoirs pour le président de la République?

France: Quels pouvoirs pour le président de la République?
dimanche 24 avril 2022 - 19:30

Un électorat de 47,9 millions de personnes était appelé ce dimanche 24 avril aux urnes pour élire le président qui dirigera la France pour les cinq prochaines années. Ce chef d’Etat sera doté de pouvoirs, certes larges, mais qui ont aussi des limites, comme ils peuvent varier selon les situations. 

Ci-après les pouvoirs du Président de la République de France, tels que définis par la constitution et expliqués dans les fiches de droit.

Le 28 décembre 1958, quelques jours après son élection en tant que président de la République, le général de Gaulle, avait eu ces mots: « Guide de la France et chef de l’Etat républicain, j’exercerai le Pouvoir suprême dans toute l’étendue qu’il comporte désormais et suivant l’esprit nouveau qui me l’a fait attribue ».

La Constitution du 4 octobre 1958, texte fondateur de la Vème République, a effectivement voulu tirer les leçons de l’instabilité gouvernementale et de l’incapacité à légiférer auxquelles étaient en proie les IIIème et IVème Républiques.

Pour ce faire, elle fait du président de la République la « clef de voûte » des institutions de la Vème République, selon la formule de Michel Debré. Ainsi, si le président de la République figurait au titre V de la Constitution du 27 octobre 1946, il est aujourd’hui traité dans le titre II de la Constitution du 4 octobre 1958, avant le gouvernement et le Parlement, respectivement traités aux titres III et IV.

En outre, la Constitution de 1958 confie au président de la République des pouvoirs plus forts que ceux de ses prédécesseurs. En particulier, l’article 5 de la Constitution affirme que « le président de la République veille au respect de la Constitution. Il assure, par son arbitrage, le fonctionnement régulier des pouvoirs publics ainsi que la continuité de l’Etat. Il est le garant de l’indépendance nationale, de l’intégrité du territoire et du respect des traités ».

Néanmoins, l’article 19 de la Constitution conditionne l’exercice de la plupart des pouvoirs du président de la République à la signature (ou contreseing) du Premier ministre et, le cas échéant, des ministres concernés par la décision. Il ressort de cet article que le président de la République dispose de pouvoirs propres pour lesquels il peut se dispenser de l’accord du Premier ministre et des ministres (ces pouvoirs étant consacrés aux articles 8 (1er alinéa), 11, 12, 16, 18, 54, 56 et 61 de la Constitution), et de pouvoirs qu’il partage avec le Premier ministre ou le gouvernement, leur exercice nécessitant l’accord de ces autorités.

Par ailleurs, si le président de la République dispose de pouvoirs propres, cela ne signifie pas nécessairement qu’il puisse agir complètement seul, l’exercice de certains de ces pouvoirs pouvant être conditionné par la sollicitation d’une autre autorité ou par la collaboration avec une autre autorité.

Dès lors, il convient de se demander si les pouvoirs du président de la République sous la Vème République sont absolus ou si au contraire ils comportent des limites.

Il apparaît que la Constitution de 1958 confère au président de la République d’importants pouvoirs propres, qu’il exerce sans contreseing. Toutefois, les pouvoirs du président de la République sont assortis de limites.

1- Les pouvoirs propres du président de la République

L’article 19 de la Constitution octroie au président de la République 8 pouvoirs propres. Parmi ces pouvoirs, certains ont vocation à s’exercer en période normale), tandis que d’autres sont des pouvoirs exceptionnels conférés au président de la République afin de résoudre les situations de crise dans lesquelles la France pourrait se trouver .

A) Les pouvoirs du président de la République en période normale

En vertu de l’article 8 alinéa 1 de la Constitution, le président nomme le Premier ministre. Il s’agit d’un choix discrétionnaire. Par ailleurs, l’usage a consacré le principe de la responsabilité du Premier ministre devant le président de la République. En d’autres termes, si selon la lettre de l’article 8 de la Constitution le président n’a pas le pouvoir de révoquer le Premier ministre (« il met fin à ses fonctions sur la présentation par celui-ci de la démission du Gouvernement »), dans les faits, il demande au Premier ministre de démissionner. Ainsi, le chef de l’État a exigé à plusieurs reprises la démission du gouvernement sans que l’Assemblée nationale ait pour autant adopté de motion de censure. Ce fut par exemple le cas lors des démissions de Michel Rocard en mai 1991 et d’Edouard Philippe en juillet 2020.

En outre, en application de l’article 18 de la Constitution, le président de la République se voit octroyé un droit de message au Parlement. Plus précisément, le président peut s’adresser au Parlement de deux manières différentes :

– par des messages écrits qui sont lus par les présidents des chambres (article 18 alinéa 1 de la Constitution)

– par une déclaration devant le Parlement réuni à cet effet en Congrès (article 18 alinéa 2 de la Constitution)

Le président de la République dispose également de pouvoirs dans ses relations avec le Conseil constitutionnel. Il nomme trois des membres du Conseil constitutionnel, ainsi que son président. Et il peut saisir le Conseil constitutionnel pour lui demander d’apprécier la constitutionnalité d’un engagement international en instance de ratification (article 54 de la Constitution) ou d’une loi ordinaire en instance de promulgation (article 61 de la Constitution).

Enfin, le président de la République peut, sur proposition du gouvernement ou proposition conjointe des deux chambres, soumettre au référendum un projet de loi qui peut porter sur différents sujets (article 11 de la Constitution) :

– l’organisation des pouvoirs publics
– l’autorisation de ratifier un traité international qui, sans être contraire à la Constitution, aurait des incidences sur le fonctionnement des institutions (par exemple, le référendum du 29 mai 2005 sur -l’autorisation de la ratification du Traité établissant une Constitution pour l’Europe, qui s’est soldé par la victoire du « non »)
– des réformes relatives à la politique économique, sociale ou environnementale de la nation et aux services publics qui y concourent

Là encore, dans le cadre du référendum législatif, le président de la République décide sans contreseing s’il interroge ou non le peuple. De plus, en pratique, c’est toujours le président qui a eu l’idée de recourir au référendum (sauf en 1988 où le référendum sur le statut de la Nouvelle-Calédonie a été véritablement proposé par Michel Rocard). Aucune proposition conjointe n’a été faite par les deux chambres.

Mais les pouvoirs du président de la République sont encore renforcés en période de crise.

B) Les pouvoirs du président de la République en période de crise

Le président de la République a d’abord le droit de dissoudre l’Assemblée nationale (article 12 de la Constitution). Ce droit de dissolution est dispensé du contreseing. Le président de la République doit préalablement recueillir les avis du Premier ministre et des présidents des assemblées, mais ces avis ne lient pas le président qui peut passer outre.

De plus, la dissolution est exclue uniquement durant l’intérim de la présidence de la République, durant un délai d’un an après une précédente dissolution et pendant la mise en oeuvre de l’article 16 de la Constitution conférant les pleins pouvoirs au président de la République.

Il faut toutefois noter que cette faculté, prévue pour résoudre une crise en sollicitant le peuple ou pour trancher ou prévenir un différend avec l’Assemblée nationale, n’a été utilisée que deux fois à cet escient (en 1962 et 1968). Dans les trois autres cas (en 1981, 1988 et 1997), elle a été prononcée afin de provoquer des élections législatives anticipées et espérer obtenir une majorité parlementaire.

Surtout, l’article 16 de la Constitution autorise le président de la République, « lorsque les institutions de la République, l’indépendance de la Nation, l’intégrité de son territoire, ou l’exécution de ses engagements internationaux sont menacées d’une manière grave et immédiate et que le fonctionnement régulier des pouvoirs publics constitutionnels est interrompu », à prendre des mesures exceptionnelles exigées par les circonstances. Le président de la République bénéficie alors de la plénitude du pouvoir exécutif et du pouvoir législatif. Il s’agit en quelque sorte d’une dictature provisoire afin de sauver la nation en situation de crise (par exemple dans le cas d’une guerre civile ou étrangère, d’une vague d’attentats terroristes, etc…). A ce titre, l’article 16 n’a été utilisé qu’une seule fois : le 23 avril 1961 suite au putsch des généraux en Algérie.

Préalablement, le Premier ministre, les présidents des assemblées et le Conseil constitutionnel doivent être consultés pour avis. Mais de même que pour le droit de dissolution, ces avis ne lient pas le président, qui prend donc seul la décision de recourir ou non à l’article 16.

Ainsi, le président de la République dispose d’importantes prérogatives aussi bien en période normale qu’en période de crise (I). Cependant, la Constitution de la Vème République prévoit des garde-fous afin de limiter la prééminence du président de la République (II)

2- Les limites aux pouvoirs du président de la République

En application de l’article 19 de la Constitution, les pouvoirs du président de la République soumis à contreseing ministériel constituent le principe, les 8 pouvoirs propres n’étant que l’exception. Dès lors, le président de la République partage la majorité de ses pouvoirs avec le Premier ministre ou le gouvernement. En outre, les pouvoirs du président de la République non soumis au contreseing ne sont pas toujours des pouvoirs propres au sens strict puisqu’ils doivent parfois s’exercer en collaboration ou concurremment avec d’autres institutions de la Vème République.

A) Les pouvoirs partagés du président de la République

Les pouvoirs que le président de la République ne peut exercer qu’avec le contreseing du Premier ministre et, le cas échéant, du ou des autres ministres concernés par la décision concernent ses relations :

– avec le gouvernement
– avec le Parlement
– avec l’autorité judiciaire
– internationales

D’abord, sur proposition du Premier ministre, le président de la République nomme les membres du gouvernement et met fin à leurs fonctions (article 8 de la Constitution). A ce titre, le président ne peut nommer que les ministres que le Premier ministre lui propose. En outre, il fixe la composition du Conseil des ministres, en détermine l’ordre du jour et le préside (article 9 de la Constitution). Et il signe les ordonnances et les décrets délibérés en Conseil des ministres. Le Premier ministre, quant à lui, signe les décrets qui ne sont pas délibérés en Conseil des ministres.

Mais la Constitution ne précise pas quels décrets doivent être délibérés en Conseil des ministres et quels décrets n’ont pas à l’être. En réalité, la répartition se fait au cas par cas. Ainsi, le président de la République signe trois types de décrets : les décrets dont une loi prévoit qu’ils doivent être délibérés en Conseil des ministres, ceux intervenant dans une matière dont l’usage veut que le président y joue un rôle important (relations internationales, défense), et ceux qu’il juge bon de signer.

En ce qui concerne ses relations avec le Parlement, le président de la République convoque le Parlement en session extraordinaire (article 30 de la Constitution). Mais il faut noter que le Parlement est réuni en session extraordinaire à la demande du Premier ministre ou de la majorité des membres composant l’Assemblée nationale (article 29 de la Constitution). Par ailleurs, le président promulgue la loi par décret contresigné du Premier ministre (article 10 alinéa 1 de la Constitution) et peut demander au Parlement une nouvelle délibération de la loi, également avec contreseing du Premier ministre (article 10 alinéa 2 de la Constitution).

Concernant ses relations avec l’autorité judiciaire, le président de la République dispose du droit de grâce (article 17 de la Constitution) qui lui permet de remettre, en tout ou en partie, la durée de la peine prononcée par un juge.

Enfin, sur le sujet des relations internationales, le président de la République est le chef des armées (article 15 de la Constitution) et a le pouvoir diplomatique :

– il représente la France dans les organisations et les relations internationales.
– il négocie et ratifie les traités. Il faut cependant noter que pour les traités les plus importants (énumérés à l’article 53 de la Constitution), la ratification doit être précédée d’une loi d’autorisation.

Ainsi, les pouvoirs du président de la République sont en majorité des pouvoirs partagés avec le Premier ministre et, le cas échéant, les ministres concernés, et non des pouvoirs propres. Mais même les pouvoirs propres du président de la République font l’objet de limites.

B) Les limites aux pouvoirs propres du président de la République

D’abord, certains des pouvoirs propres du président de la République nécessitent des avis ou une proposition dont l’initiative n’appartient pas au président de la République.

Par exemple, l’article 11 de la Constitution précise que le président de la République peut soumettre un projet de loi au référendum « sur proposition du gouvernement pendant la durée des sessions ou sur proposition conjointe des deux assemblées ». Dès lors, la tenue d’un référendum législatif requiert l’intervention préalable du gouvernement ou du Parlement (même si dans les faits, les deux assemblées n’ont jamais fait de proposition conjointe), et le président de la République ne peut agir totalement seul.

De même, l’article 16 de la Constitution prévoit des mécanismes afin que l’utilisation de cet article ne se transforme pas en dérive autoritaire. Ainsi, les mesures prises en application de l’article 16 « doivent être inspirées par la volonté d’assurer aux pouvoirs publics constitutionnels, dans les moindres délais, les moyens d’accomplir leur mission.

Le Conseil constitutionnel est consulté à leur sujet ». Surtout, depuis la révision constitutionnelle du 23 juillet 2008, le Conseil constitutionnel, après trente jours d’exercice des pouvoirs exceptionnels, peut être saisi afin de vérifier que les conditions de fond justifiant le recours à l’article 16 sont toujours réunies. Cette saisine doit être effectuée par le président de l’Assemblée nationale, le président du Sénat, soixante députés ou soixante sénateurs.

Le Conseil rend un avis public dans les plus brefs délais. Il peut s’autosaisir au terme de soixante jours d’exercice des pouvoirs exceptionnels et à tout moment au-delà de cette durée. Même si cet avis du Conseil constitutionnel est purement consultatif, il faut admettre que le président de la République renoncerait sans doute à exercer ses pouvoirs exceptionnels en cas d’avis défavorable.

Ensuite, certains pouvoirs propres du président de la République s’exercent en concurrence avec d’autres institutions.

Par exemple, depuis la révision constitutionnelle du 23 juillet 2008, le président de la République n’est plus le seul à pouvoir recourir au référendum législatif. Aujourd’hui, un référendum législatif peut être organisé à l’initiative d’un cinquième des parlementaires soutenue par un dixième des électeurs inscrits sur les listes électorales. Le texte soumis au référendum prend la forme d’une proposition de loi et doit avoir été approuvé par le Conseil constitutionnel. Si cette proposition n’a pas été examinée par chacune des deux chambres dans un délai de 6 mois, le président de la République doit la soumettre au référendum.

De même, le président de la République n’est pas le seul à nommer des membres du Conseil constitutionnel. En réalité, le président de la République, le président de l’Assemblée nationale et le président du Sénat désignent chacun trois juges (article 56 de la Constitution).

Il en va également ainsi pour la saisine du Conseil constitutionnel. Non seulement le Conseil constitutionnel peut être saisi par le président de la République, mais il peut aussi l’être par le Premier ministre, le président de l’Assemblée nationale, le président du Sénat ou 60 députés ou 60 sénateurs, que ce soit pour contrôler la constitutionnalité d’un engagement international en instance de ratification (article 54 de la Constitution) ou pour contrôler la constitutionnalité d’une loi ordinaire en instance de promulgation (article 61 de la Constitution).

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