Ca fait un moment déjà que les réactions négatives sur le système de péage au niveau des autoroutes du Maroc se font entendre. Outre les blocages enregistrés au niveau de ses structures, notamment sur l’axe Rabat-Casablanca-Marrakech, plusieurs internautes ont dénoncé la dominance des voies destinées au Pass Jawaz (télépéages) par rapport à celles réservées au péage manuel.
En effet, sur les réseaux sociaux, les internautes ont dénoncé la « pression » qu’ils subissent sur les autoroutes du Maroc à cause de la réduction des voies de péage manuel et les embouteillages que cela provoque et considèrent qu’ils sont de la sorte, « poussés » par ADM (La Société nationale des Autoroutes du Maroc ) à l’acquisition du Pass Jawaz alors qu’ils disposent du droit de choisir entre le télépéage ou le péage manuel.
« Ce que fait la société nationale des autoroutes du Maroc (consacrer deux voies pour le péage manuel contre 10 pour le télépéage), c’est du chantage direct aux citoyens en les poussant à acheter Jawaz. Cela bafoue les bases de la protection du consommateur qui doit garder son droit à choisir entre Jawaz et le péage manuel. J’espère que les associations de la protection des consommateurs vont intervenir pour protéger les conducteurs de l’abus d’ADM. Et si besoin, lancer un appel au boycott de Jawaz de la part de tous les conducteurs« , a écrit un internaute sur la page Facebook « Save Casablanca » avec photo à l’appui.
Joint par Hespress Fr à ce sujet, Bouazza Kherrati, président de l’Association marocaine de protection et d’orientation du consommateur (AMPOC), estime que le système de paiement sur les autoroutes du Maroc connait plusieurs problèmes, qu’il qualifie « d’aberrations« . Le premier problème, dit-il, est d’interdire au consommateur marocain de bénéficier de son droit à choisir entre le péage manuel et le télépéage.
« Le consommateur doit avoir le droit de choisir entre s’abonner à Jawaz ou non. Mais on ne peut pas l’obliger et le pousser, en diminuant les voies de péage manuel, à choisir le pass Jawaz. Dans le cas d’un abonnement Jawaz, le consommateur se trouve également dans l’obligation de fournir ses données personnelles à ADM. Qui nous prouve que nos données ne seront pas vendues ? Dans ce cas de figure, on remarque qu’il y a deux lois qui sont bafouées : La loi 31-08 (édictant des mesures de protection du consommateur) et la loi 09-08 (relative à la protection des personnes physiques à l’égard du traitement des données à caractère personnel)« , nous explique Kherrati.
Des pratiques, que l’AMPOC trouve « inadmissibles« , appelant ADM au « respect des lois, surtout qu’il s’agit d’un organisme étatique qui se doit de donner l’exemple ».
« Supposons qu’une personne, qui n’a pas le passe Jawaz, transporte un malade qui doit passer en urgence. Comment doit-elle gérer l’embouteillage au niveau des gares de péage qui connaissent un encombrement ? Même les autocars et transports de sociétés, qui doivent normalement utiliser Jawaz, ne le font plus. On trouve souvent des camionneurs à faire la queue au niveau des péages manuels bloquant ainsi la fluidité de la circulation« , soutient le militant pour les droits du consommateur.
Autre problématique soulevée par le président de l’AMPOC, c’est les commerciaux d’ADM qui se trouvent au niveau des différentes gares de péage et qui vendent des Pass Jawal. Pour Kherrati, « ils harcèlent les citoyens en tapant sur leurs vitres pour leur vendre le Pass ». Il y a « d’énormes risques d’accidents vu que ces commerciaux se mettent au milieu de la route« , dénonce-t-il.
Ainsi, Bouazza Kherrati estime que le consommateur doit avoir le droit de choisir la manière avec laquelle il doit payer, et appelle à une égalité entre les voies. « Si on ouvre 4 voies pour jawaz, on doit en ouvrir 4 pour le péage manuel, comme ça, le citoyen aura le choix de prendre la voie qu’il veut sans aucune obligation« , dit-il, rappelant ainsi que l’AMPOC a adressé dans ce sens une correspondance à ADM, il y a un moment déjà, sans pour autant avoir reçu de réponse à ce sujet.
Ce qu’en dit ADM
Sollicitée par Hespress Fr sur les points évoqués, ADM a répondu aux réclamations relatives aux « pratiques de la Société Nationale des Autoroutes du Maroc pour forcer les usagers de l’autoroute à acquérir le Pass Jawaz. Elle apporte les précisions suivantes:
« L’usager de l’autoroute s’acquitte du péage par le Pass Jawaz ou en espèces. Le tarif de péage est identique et cela revient au même pour ADM sur le plan financier« , explique ADM dans un premier temps.
Et d’ajouter que « le paiement automatique n’a pas été mis en place dans l’objectif de réaliser un profit financier. Le gain est sur le plan sécurité et confort pour les usagers de l’autoroute d’une part, et sur le plan efficacité, simplicité de gestion et transparence pour ADM d’autre part ».
Dans ses éléments de réponses, ADM indique suivre « le progrès technologique mondial pour offrir en continu à ses clients-usagers plus de sécurité et de confort. Elle a entrepris le chantier d’automatisation des systèmes de péage pour répondre aux limites du mode de paiement manuel et tout ce que la manipulation de l’espèce engendre comme problèmes (disponibilité de la monnaie, risque d’erreur, hygiène, coût de gestion que ADM ne souhaite pas répercuter sur les tarifs de péage, etc.), s’ajoute à cela la rareté des terrains disponibles aux abords des autoroutes permettant d’élargir les gares de péage et donc d’augmenter le nombre des voies de péage manuelles« .
S’agissant de Jawaz, la société avance que le Pass « s’impose donc comme la seule solution permettant de fluidifier le trafic même durant les heures de pic qui sont parfois imprévisibles et conduisent à l’encombrement des voies manuelles« .
ADM précise à ce propos qu’avec « une capacité d’absorption 8 fois supérieure que celle des voies de paiement en espèces, seules les voies Jawaz permettent de fluidifier le trafic tout en restant vides, car les voitures y passent à 20km/heure sans arrêt« .
Depuis la généralisation de Jawaz à l’ensemble des gares de péage du réseau autoroutier en 2017, ADM indique avoir mis en œuvre un plan d’action pour rendre le Pass Jawaz disponible, simple, accessible et à la portée de toutes les bourses. Ce plan d’action repose, selon la société, sur « le renforcement et la diversification du réseau de distribution et des canaux de recharge« .
Dans les détails, ADM indique qu’en plus de ses agences commerciales sur le réseau autoroutier, « le client-usager peut se procurer ou recharger son Pass Jawaz en ville tout près de chez lui avant même de prendre l’autoroute, chez le réseau Tashilate &Chaabi Cash, les agences Fawatir et les agences de l’opérateur télécom Orange ».
« Nous déployons même une vente mobile au sein des aires de service et des gares de péage principales où le Pass Jawaz est proposé au client-usager sans qu’il ait besoin de descendre de son véhicule, l’opération de recharge est possible également en ligne à travers différents canaux digitaux (jawaz.ma, solutions de paiement mobile, applications mobiles bancaires,…). Quant au coût d’acquisition, ADM a lancé une promotion sur le Pass Jawaz qui, désormais, est vendu à 50 DH avec 40 DH de solde de passage offert, ce qui veut dire que le Pass ne coûte que 10 DH« , fait savoir la société nationale des autoroutes du Maroc.
Pour conclure, la société a tenue à préciser que « le projet d’automatisation ne vient pas réduire les postes d’emploi, au contraire, il permet une reconversion vers de nouveaux métiers à forte valeur ajoutée, offrant ainsi une opportunité de carrière pour le personnel désireux d’évoluer et de relever de nouveaux challenges. (ex : télépéage, téléassistance, et d’autres métiers à distance et à forte portée technologique et qui ont vu le jour grâce à la digitalisation)« .
