Algérie : Le soulèvement jusqu’au-boutiste des Touaregs de l’Ahaggar

Algérie : Le soulèvement jusqu’au-boutiste des Touaregs de l’Ahaggar

mardi 20 avril 2021 - 00:27

Dans le grand sud d’Algérie, et depuis jeudi dernier, les Touaregs, notamment ceux de l’Ahaggar, sont en colère contre le régime en place. En cause, la nouvelle composition et des limites territoriales fixées par le gouvernement. Par notables interposés, les Touaregs d’Ahaggar  menacent de se soulever si une décision n’est pas prise pour revoir le nouveau découpage territorial consacré. En effet, ils dénoncent le décret exécutif 21-128 qui fixe les limites territoriales des communes relevant des wilayas nouvellement créées. 

En Algérie depuis ce jeudi il n’est pas une journée qui passe dans le grand sud sans que l’on investisse la rue, et plus précisément dans la commune de Tazrouk, à environ 270 kilomètres du chef-lieu de la wilaya de Tamanrasset. Selon le représentant des notables, Abdelkader Messek, toutes les tribus de l’Ahaggar ont pris part à cette « action de la dignité et de l’honneur » pour sommer le Premier ministre Abdelaziz Djerad, à revoir le dernier décret fixant la consistance et les limites territoriales des wilayas nouvellement créées.  La wilaya Tamanrasset a été le théâtre d’un rassemblement où tous les  protestataires ont scandé des slogans hostiles au gouvernement en place. « Cette action est le prolongement de la protestation menée ces derniers jours à Tazrouk et dans la région pour faire valoir nos revendications. S’il n’y a pas de résultat d’ici peu, on va hausser le ton en investissant la capitale », a averti le représentant des notables, en invitant le Premier ministre à expliquer publiquement sur quels critères était basée la modification contestée.

Dans cette histoire de découpage, « l’Ahaggar s’est fait amputer de toutes les zones regorgeant de richesses naturelles, à savoir l’or, le gaz et l’eau. Le gouvernement n’a pas mesuré l’impact de sa décision qui a eu l’effet d’un tsunami à Tamanrasset. Nous n’allons pas nous taire », ont affirmé les notables contestataires dans une correspondance adressée au Premier ministre.  La réponse ne s’est pas faite attendre.

Le régime d’Alger a eu vite fait de trouver la solution dans la nuit de dimanche à lundi, en incarcérant Rabah Karèche, un journaliste expérimenté établi de longue date à Tamanrasset, et qui pour son malheur avait notamment rapporté que les habitants de cette région dénonçaient « l’expropriation de leurs terres au profit » des wilayas (préfectures) de Djanet et d’Illizi, nouvellement créées dans le sud du pays, à la faveur d’un nouveau découpage territorial. Il avait été convoqué par la police dimanche à la suite de la publication le jour même d’un article détaillé sur une manifestation des Touaregs de l’Ahaggar, dans la région, qui protestaient contre un « nouveau découpage territorial ». Le ministère de l’intérieur, des Collectivités locales et de l’Aménagement du territoire pour brouiller les cartes ou calmer le jeu, a affirmé, dans un communiqué que « la création les dix nouvelles wilayas n’a entrainé aucun changement dans les frontières territoriales et que le loi relative à l’organisation territoriale de pays demeurait en vigueur ».

Les populations touarègues de l’extrême sud de l’Algérie, berbérophones, dénoncent régulièrement leur marginalisation économique et sociale au sein d’un Etat très centralisé et qui en demande plus au point de diviser cette large partie de l’Algérie pour mieux régner. Il s’agit, , de quatorze localités relevant des communes de Tazrouk et Ideles qui recèlent des richesses inestimables. Pour le régime d’Alger ce soulèvement des Touaregs s’apparente à une tentative de scission puisque, les notables d’Ahaggar n’ont pas été tendres dans leur communiqué, avec des expressions fortes comme « recouvrer un territoire dont les frontières ont été, tracées avec le sang de nos aïeux » rappellent-ils. Aussi, le bras de fer que le pouvoir a engagé pourrait lui en coûter.

Car, il n’est pire danger de scission que lorsqu’il s’agit de frontières au sein d’un même pays, de droit de propriété et de jouissance exclusive ou préférentielle des richesses du sous-sol des territoires, au détriment ou au profit de populations «autochtones». C’est un amalgame explosif. Le vent de contestation chaud qui depuis jeudi souffle sur l’Ahaggar pour protester contre l’amputation de certaines localités à la wilaya de Tamanrasset, riches, de surcroit par leur sous-sol, vient à rappeler au pouvoir militaire d’Alger que la cohésion nationale algérienne est loin d’être acquise.

Avec la Kabylie qui demain 20 avril commémorera le 20ème anniversaire du « printemps noir », la fronde sociale qui fait feu de tous bois à travers les différentes wilayas anciennes et nouvelles (une dizaine de plus) grèves (Poste, éléments de la Protection civile, enseignants…), Hirak et une économie qui, de signes évidents, montre qu’elle va droit dans le mur, on est vraiment mal barré dans l’Algérie des militaires.