Secteur informel : Doit-on éradiquer ce fléau ou l'organiser ?

Secteur informel : Doit-on éradiquer ce fléau ou l'organiser ?
lundi 15 février 2021 - 08:34

Il a fallu que se produise le drame de Tanger pour que le débat sur le secteur informel et les unités clandestines soit remis sur la table. Comme si, et pendant des années, les Marocains et les gouvernements qui se sont succédés, ignoraient l’existence de ce fléau. 

Au fil des ans, plusieurs projets on été lancés par les responsables gouvernementaux pour mettre fin au secteur informel et autres activités clandestines, mais le résultat n’y était pas puisque la plupart de ces projets n’ont jamais abouti à l’éradication de ce fléau qui n’accorde aucun droit social aux employés ni  ne leur assure une rémunération correcte. Est-ce par manque de moyens ou de volonté politique ?

Joint par Hespress Fr à ce sujet, Omar Kettani, professeur d’économie à l’Université Mohammed V de Rabat, nous explique dans un premier temps que le problème social est plus grave que le problème économique. Principalement l’emploi.

« On a perdu en 2020 près d’un million de postes de travail. C’est énorme. Pour ce qui est de l’informel, il est important de rappeler qu’il est très lié au secteur agricole et se nourrit de sa faiblesse », nous explique l’économiste. Comment ?

Selon Kettani, « l’informel est le résultat de la migration de la population au chômage dans le milieu rural vers le milieu urbain. Et cette population vient généralement du secteur agricole. Et parmi les 1 million de personnes au chômage en 2020, la plupart viennent du secteur agricole puisqu’on a connu une période de sécheresse pendant deux années de suite (2019 et 2020), outre le fait que ce chômage ait été accéléré par la pandémie du Covid-19 ».

D’après l’économiste, le secteur agricole est l’un des plus fragiles, sensibles et pauvres au Maroc, comparativement avec le secteur industriel ou encore celui des services. Et il a été doublement touché, d’abord à cause de la sécheresse, puis la pandémie et donc les effets induits, c’est-à-dire l’effet multiplicateur, a été très fort sur le plan de l’emploi, explique-t-il.

« Les dernières statistiques que j’ai eu l’occasion de visualiser, révèlent que le secteur informel a été nourri de manière très sensible par la perte d’emploi dans le secteur agricole. Maintenant on se pose la question si le secteur informel a une liaison avec le secteur agricole. La réponse est oui. Pourquoi ? Parce que le secteur informel n’emploie que les profils avec un niveau de formation très faible sinon nul. Et ces profils viennent généralement du milieu rural. Et donc pour moi, les solutions du secteur informel viennent du milieu rural« , dit-il.

Sur ce point de la formation dans le milieu rural, Omar Kettani s’interroge « pourquoi ne réagit-on pas aux réformes particulièrement orientées vers le secteur agricole pour lancer le plus vite possible des écoles de formation professionnelle dans le milieu rural, dans le but de former les personnes ayant quitté l’école tôt, dans différents types de métiers de qualification, notamment la construction, l’électricité, la plomberie, la serrurerie, la couture. Cela permettra de limiter les dégâts« , estime l’économiste.

Doit-on éradiquer ou organiser le secteur informel ?

Dans son analyse à Hespress Fr, l’économiste évoque une étude du Haut-Commissariat au Plan (HCP) qui dit que le pays a besoin de 3 années de croissance pour récupérer les emplois perdus. Pour lui, il nous faut plutôt 4 ans pour le faire. « Les statistiques officielles disent que pendant les bonnes années de croissance, on crée 250.000 nouveaux emplois. Or, si nous avons 1 million d’emplois perdus, pour les récupérer, il nous faut au moins 4 ans, nonobstant les nouvelles demandes d’emploi sur le marché ». 

La question qui se pose donc, est doit-on réorganiser le secteur informel, puisqu’il absorbe un taux important de chômage ou faire en sorte de l’éradiquer. Pour Kettani il faut faire un choix. « Lorsque nous appelons à l’élimination du secteur informel, les taxes sur les petites entreprises informelles doivent être également réduites pour leur permettre de devenir semi-informelles, c’est-à-dire qu’elles paient le prix de la patente commerciale sans payer d’impôts sur les bénéfices, d’autant plus que leurs bénéfices ne sont pas importants« , dit-il.

D’autre part, l’économiste estime qu’«il est impossible d’éliminer le secteur informel dans les circonstances actuelles», notant qu’ «il ne peut pas survivre s’il devient structuré». Pour Omar Kettani,«le secteur doit être encouragé car il emploie un nombre important de personnes et lutte contre le chômage».

Il poursuit dans ce sens que « nous devons travailler pour rendre le secteur informel à moitié structuré pour permettre un contrôle de sécurité et sanitaire, et pour identifier les conditions de travail, si elles sont dangereuses ou pas, ou encore le volet organisationnel ». 

L’économiste a tout de même souligné que l’un des avantages du secteur informel reste la concurrence à l’importation, affirmant que «les produits qui entrent dans le pays en provenance de Chine et de Turquie sont à bas prix et le secteur informel peut à lui seul rivaliser avec eux».

In fine, Kettani affirme que «la compétitivité au niveau mondial permet au secteur informel de créer des opportunités d’emploi», notant que « les investissements au Maroc ne peuvent être développés qu’en réduisant les impôts sur les entreprises et en combattant l’économie de la rente et du monopole ».

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