Le pain, catalyseur de révoltes...et de maladies

Le pain, catalyseur de révoltes...et de maladies
dimanche 14 février 2021 - 08:35

Il est temps que le pain devienne un sujet central au gouvernement, a indiqué Dr Bouazza Kherrati, président de la Fédération marocaine des droits du consommateur. La question de toxicité du pain a fait polémique ces derniers jours, et pour cause, il est la principale composante de l’alimentation des Marocains.

Dans l’histoire du Maroc et ailleurs, le pain a toujours été un instrument de pression politique, mais aussi une jauge de la satisfaction ou de la tension ressentie la population. Cette tendance est toujours d’actualité puisqu’au Soudan, en 2019, le régime d’Omar Béchir qui cumulé 30 ans au pouvoir sans partage, est tombé à cause d’une révolution démarrée à cause du triplement du prix du pain.

Au Maroc, en juin 1981, des grèves de deux jours à cause de la hausse des prix des denrées alimentaires de base, dont la farine, se sont transformées en émeutes à Casablanca, et une centaine de personnes en sont mortes.

Alors lorsqu’en 2014 les boulangers marocains ont décidé de faire une grève après la limitation du prix du pain au moment où ils ne pouvaient plus avoir de marge, deux jours ont suffi pour faire capituler les pouvoirs publics qui ont accepté de réduire le poids du pain à condition de garder le même prix.

Selon la Fédération nationale de la boulangerie et de la pâtisserie du Maroc (FNBP), plus de 100 millions d’unités sont consommées chaque jour au Maroc, et selon des experts, le marocain consomme en moyenne de 3,5 par personne par jour (dont la moitié est jetée par gaspillage alimentaire).

Avec cette consommation très importante du pain, il devient indispensable de connaitre l’origine et la qualité de cet aliment, d’où le cri d’alerte de la Fédération marocaine des droits du consommateur qui a remis en cause toute la chaine de production et de distribution du pain au Maroc.

Pesticides, origine du blé, OGM, additifs « qui rendent le pain comme du plastique », utilisation excessive de sel et de sucre, le Fédération met le doigt sur plusieurs dysfonctionnements dans la fabrication de cet aliment constituant la base des repas des familles marocaines.

Le Professeur Henri Joyeux, chirurgien cancérologue français, a également milité pour le retour du blé d’autrefois, critiquant la qualité du blé d’aujourd’hui, un blé génétiquement modifié qui doit être renouvelé à chaque saison et dont les épis n’arrivent seulement qu’au niveau des genoux contrairement au blé de bonne qualité, dont les épis doivent arriver aux épaules d’un adulte, selon lui.

Tirant la sonnette d’alarme sur la dégradation de la qualité du pain et de sa toxicité, la FMDC avait lancé un communiqué expliquant les dangers de la production du pain qui se retrouve dans nos assiettes. Ce communiqué avait fait réagir de la Fédération des boulangers.

Pain toxique, pas qualitatif

Contacté par Hespress FR, Bouazza Kherrati, président de la FMDC a déclaré : « C’est normal que les représentants des boulangers n’aient pas aimé notre communiqué, c’est parce qu’on a dit la vérité ».

« Pour nous, l’essentiel c’est que citoyen sache ce qu’il y a dans le pain qu’il achète, son prix et son poids. Ce n’est pas normal qu’on ne sache pas où a été produit ce pain. Est-ce qu’il a été fabriqué dans une boulangerie ou dans un garage ? », s’est-il demandé.

« Si les minoteries ont un agrément de l’ONSSA (l’Office National de Sécurité Sanitaire des produits Alimentaires), elles ne sont pas visées, il faut néanmoins que leur numéro d’agrément soit clairement mentionné sur tous les sachets de farine. Pareil pour les boulangeries contrôlées par l’ONSSA, si elles ont la décision sanitaire, qu’elles l’affichent sur la porte à l’entrée », a-t-il déclaré.

Et de soulever l’hégémonie l’informel sur les boulangeries qui pose problème. « Aujourd’hui l’informel a pris de l’ampleur » sur le secteur structuré, à savoir les boulangeries et pâtisseries.

L’informel pénalise les boulangeries parce que c’est de la concurrence déloyale, pénalise l’Etat parce qu’il ne paie pas d’impôts, et pénalise le consommateur parce qu’il vend des produits insalubres, a résumé notre interlocuteur. « Il est temps d’organiser l’informel, de limiter ce secteur qui nuit à l’économie nationale ».

Mais face à la réponse des représentants des boulangeries qui se sont dédouanés accusant le secteur non structuré d’être à la source du problème, notre interlocuteur a exprimé son désaccord.

« Les boulangeries se fournissent chez les mêmes minoteries que le secteur informel, elles utilisent donc la même farine », et de ce fait, leur pain contient également des pesticides « donc cet argument tombe à l’eau ».

« La levure chimique qu’ils utilisent c’est la même, l’eau du robinet qui contient du chlore c’est la même, la seule différence c’est que certains ont une vitrine et les autres n’en ont pas », a ajouté Kherrati, qui a rappelé que « c’est la base qui est mauvaise », d’autant plus qu’« il n’y a pas de contrôle des pesticides au niveau du blé », s’est-il indigné.

« Nous voulons qu’il y ait des normes (en termes de pesticides), nous voulons qu’il y ait des prélèvements au hasard par les services compétents pour évaluer les quantités de pesticides, mettre en place un système de traçabilité du pain et des céréales », a-t-il plaidé.

Quant à l’utilisation du sucre et du sel, les boulangers ont reconnu leur utilisation, a déclaré le militant des droits du consommateur. Seulement « ils ne s’arrêtent pas à l’utilisation du sucre dans la pâte, ils en mettent même sur le pain afin qu’il donne cet aspect doré, caramélisé, plus rapidement ».

Et le problème, selon lui, c’est que le consommateur pense acheter un pain entièrement cuit puisqu’il est doré, mais à l’intérieur le pain ne l’est pas, tout cela « pour économiser en énergie ».

Ce problème d’utilisation du sucre dans le pain s’explique par le coût du glucose de maïs, « normalement c’est ce sirop qui doit être utilisé pour aider à levure à faire gonfler le pain, mais comme ils trouvent que c’est trop cher, ils le remplacent par le sucre », a relevé l’acteur associatif.

Sur la question du poids du pain, alors que plusieurs consommateurs se plaignent de la taille qui continue du rétrécir, ce qui les pousse à acheter encore plus, Bouazza Kherrati est revenu sur la crise de 2014 qui s’était conclue sur un accord entre les professionnels du pain et l’ancien ministre Mohamed El Ouafa pour garder le même prix (1,20 dirhams) et faire des pains de 170 grammes au lieu de 200 grammes.

« Nous on leur a dit de changer la loi et d’y inscrire le poids réel du pain actuellement afin que ce soit clair. Parce que le consommateur achète un pain sur la base de 200 grammes, et si les boulangers mettent en vente un pain plus léger pour le même prix ça s’appelle du vol ».

« Le problème du pain doit être soulevé » par les différents ministères, notamment celui de l’Agriculture, du Commerce et de l’Industrie, ainsi que de l’Intérieur, en incluant les professionnels et les consommateurs, a lancé Dr Kherrati, avant d’ajouter que les institutions doivent pouvoir examiner et faire un suivi de la situation.

« Nous voulons que l’ONSSA aille contrôler » tous les acteurs entrant dans la fabrication du pain, a-t-il soulevé en affirmant qu’à chaque fois que l’ONSSA a voulu faire ces contrôles, « ils (professionnels du pain, ndlr) sortent crier au scandale ».

Quant à la distribution du pain, « elle doit être réglementée », a insisté Bouazza Kherrati. « Personne ne doit avoir le droit de distribuer le pain s’il n’a pas l’autorisation sanitaire de l’ONSSA ».

« Il est inconcevable d’accepter les conditions de distribution actuelles du pain » où les vendeurs se promènent avec le pain dans des coffres de voitures délabrées, dans des triporteurs sales, ou encore des vélos, et où le pain est touché par tout le monde et avant de finir dans la bouche d’un consommateur. « Le temps est venu pour qu’on mange du bon pain au Maroc », a-t-il conclu.

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