RAM vs AMPL… au-delà d’une dissolution

RAM vs AMPL… au-delà d’une dissolution
mardi 15 décembre 2020 - 08:34

Lorsqu’une association ne répond pas à toutes les conditions prévues par la loi, nous dit l’assistance juridique, sa dissolution peut être prononcée par un tribunal, à la demande de tout intéressé justifiant d’un intérêt personnel, matériel ou moral ou du Procureur du Roi.

La dissolution est prononcée par le tribunal (judiciaire ou administratif) lorsqu’elle est fondée sur une cause ou en vue d’un objet illicite, contraire aux lois, aux bonnes mœurs etc. Les dirigeants qui se maintiennent en place ou reconstituent illégalement l’association sont passibles d’emprisonnement et d’amende. Les personnes qui permettraient aux membres de l’association dissoute de se réunir en leur accordant la location ou l’usage gratuit d’un local encourent les mêmes peines.

C’est le cas de l’Association marocaine des pilotes de ligne (AMPL) représentée en la circonstance par le duo Maître Zakaria Mrini et Maître Mohamed Oubraym et dont le tribunal de première instance (TPI) de Casablanca a ordonné la dissolution suite à une plainte déposée à la mi-septembre dernier, par la compagnie Royal Air Maroc (RAM), représentée par le cabinet Bassamat & Laraqui, qui réclamait non seulement la dissolution de l’Association marocaine des pilotes de ligne, mais également la nullité de l’ensemble des accords signés entre celle-ci et la direction de la compagnie nationale.

Le transporteur national accusant en cela, l’association des pilotes d’avoir enfreint à ses prérogatives associatives se consacrant à des  activités à caractère syndical (appel à la grève, sit-in etc.).

Le parquet a appelé à dissoudre l’AMPL dont les statuts mentionnent comme objet des activités culturelles, sportives et sociales. Un objet qui ne donne pas le droit de représenter les salariés ou de négocier en leur nom. Le mémoire du parquet indique que l’association a outrepassé son champ d’action, à l’instar d’appel à la grève et d’élaboration de cahiers revendicatifs, des prérogatives normalement réservées exclusivement aux syndicats. Il s’appuie notamment sur l’article 3 du Dahir du 15 novembre 1958 qui énonce que « toute association fondée sur une cause ou en vue d’un objet illicite, contraire aux lois, (…) est nulle ».

Mercredi 25 novembre 2020, donc, le jugement du tribunal de première instance tombait lourdement au grand dam des pilotes de Royal Air Maroc et ordonnait la dissolution de l’AMPL. En effet, le juge Mohamed Kadiri rendait, un verdict « sévère » à l’encontre des membres de l’Association des pilotes, en ordonnant la dissolution de l’AMPL, la fermeture de son siège et la liquidation de ses actifs.

Un expert assermenté a été désigné pour les besoins de la liquidation. Dans son jugement, le TPI estimait que l’AMPL a enfreint ses prérogatives associatives en appelant ses membres à observer une grève. « Même si le droit de grève est garanti par la Constitution, le préavis de grève est un avantage accordé aux syndicats et non aux associations, conformément à l’article 396 du Code du travail », lit-on dans le jugement.

On retiendra cependant du jugement rendu, que le tribunal ne s’est pas prononcé en faveur de la nullité des accords liant Royal Air Maroc à l’AMPL, justifiant sa décision par le fait que « la partie plaignante n’ayant pas présenté les accords ciblés par cette demande de nullité ». L’AMPL, nous dit-on, a décidé de faire appel de la décision du TPI de mercredi.

Le conflit entre RAM et ses pilotes a éclaté avec l’avènement de Dame Covid et son parti-pris universel sur la santé de l’homme et ses affaires. La compagnie aérienne nationale à l’instar de ses consœurs dans le monde subissait les foudres du ciel et revenait sur terre. La crise fut telle qu’elle fut contrainte en août dernier d’annoncer un plan de licenciement économique de 149 de ses employés, dont 65 pilotes, dans le but de résister à l’impact de la pandémie de la Covid-19 et ce après avoir concédé le départ volontaire à nombre de ses collaborateurs dont justement des pilotes. Entre temps la compagnie nationale demandait à l’AMPL une réduction de leurs salaires pour ne pas licencier  des pilotes, ce que ces derniers refusèrent.

La RAM acculée n’a eu alors, d’autres choix que d’adopter son plan. L’AMPL intentait une action en justice contre la compagnie aérienne pour demander la réembauche des pilotes licenciés. Peine perdue, RAM, mordicus, restait sur ses positions et déclinait même une dernière suggestion de ses pilotes de réduire leurs salaires d’un montant équivalent à ce que RAM aurait gagné grâce à son plan de licenciement.

En réaction à cela, l’AMPL après un référendum (308 votes «pour», 76 votes «contre», de 5 votes blancs et 2 nuls) se réservait le droit de déclencher des actions de grève suite au licenciement de ses membres. La RAM saisissait l’occasion au vol et s’en remettait à la justice qui quelque part lui a donné raison. Si pour l’heure l’avantage est à la compagnie nationale, l’AMPL a interjeté en appel et la partie, un long feuilleton qui n’en est qu’à ses premiers épisodes, est loin d’être terminée.

En attendant, l’intitulé des motivations a été remis à l’AMPL. Cette dernière a tout loisir pour casser ce jugement en appel avant que de se lancer dans une autre procédure en cassation. On n’est qu’au début d’une longue démarche et rappelons-le, le jugement prononcé en première instance n’est pas définitif.

Interrogé sur le vif, un membre de l’AMPL avait, sous couvert de l’anonymat, déclaré: « C’est un jugement qui n’apporte rien de bon à l’Etat de droit. C’est un jour triste pour notre justice. Le principe du droit à ma connaissance est, ce qui n’est pas interdit est autorisé, la légalité c’est ce qui est permis ou interdit par la loi. Il n’y aucun texte qui dit qu’il est interdit aux associations de déclarer la grève. Dans les statuts de l’AMPL il est stipulé +la défense de ses membres par tous les moyens légaux+. Nous étions dans la légalité parfaite ».

Et justement à propos, l’avocat de l’association Me Mrini déclarait à un confrère: « Appeler les membres d’une association à réfléchir à l’idée d’une grève serait-il interdit par la loi, au point d’ouvrir droit à la dissolution ? Aujourd’hui, il n’existe aucun texte qui donne l’exclusivité de l’exercice du droit de grève aux syndicats ».

Selon notre pilote, « il n’y a pas une association au monde qui ne dérange pas quelque part, quelqu’un ». Et de revenir au pourquoi de ce procès que fait la RAM à l’AMPL, « Royal Air Maroc aurait pu ne pas s’immiscer dans le droit de la création des associations, qui est un droit constitutionnel. Aussi dès qu’il y a la moindre voie pour investir ce champ, c’est la porte ouverte à toutes les exactions et à toutes les dérives possibles et imaginables, n’importe qui peut attaquer n’importe quelle association pour un oui ou pour un non. Pour l’AMPL à la rigueur elle peut rebondir ailleurs ou au sein d’un syndicat ou autre organisation professionnelle. C’est plutôt délicat pour nos institutions, le champ du droit et la démocratie. C’est un signe de mauvaise santé ».

Puis de s’interroger sur la finalité de la chose « ce n’est qu’un jugement comme son nom l’indique, de première instance. Le chemin est long encore. On verra bien. On peut déjà tirer quelque conclusions et interpréter de cette première expérience judiciaire, que la compagnie nationale veut, ni plus ni moins, nous faire taire à tout prix. Rassurez vos lecteurs, l’espoir demeure au sein de la corporation car nous croyons en notre juste cause et en notre justice ».

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