La « contribution de solidarité » pour une année, soit durant le seul exercice 2021, dans son ancienne version, soit une taxe imposée aux salaires supérieurs ou égaux à 10.000 dh, a longtemps fait polémique. Intitulée « contribution sociale de solidarité« , elle a pour objectif de poursuivre les efforts en faveur des populations démunies et renforcer la solidarité durant cette période de crise. Le chiffre a finalement été porté à 20.000 dh de salaire mensuel, mis on est toujours dans la classe moyenne, qui devra subir cette taxe, elle qui est aussi victime de cette crise ?
Pour Omar Kettani, professeur d’économie à l’Université Mohammed V de Rabat, cette taxe n’est autre qu’une « injustice envers la classe moyenne« . Il s’explique en soulignant que cette injustice se définit par le fait que cette contribution « considère qu’une personne qui a un revenu de 10.000 ou même 20.000 dh, qu’ils appellent net, mais qui est en réalité un revenu brut, fait partie de la classe moyenne. Et donc, à partir de ces chiffres, il est soumis à un impôt de 1,5%« .
Mais les 20.000 dirhams de salaire, poursuit l’économiste, ce n’est pas un revenu net, puisque la plupart des salariés sont endettés (crédit conso, crédit immobilier, crédit de voiture …), et se retrouvent à la fin avec moins que la moitié de leur salaire pour terminer leur mois.
« Lorsqu’un cadre hors échelle touche 12.000 dirhams, il ne faut pas oublier qu’il paye à côté 4.000 DHS pour l’école de ses enfants, 4.000 pour son loyer, et il lui reste 4.000 dirhams. Et c’est un exemple concret qui est venu me demander comment il va s’en sortir avec cette taxe justement. Est-ce qu’il appartient donc à la classe moyenne ? Je ne pense pas. Cet exemple montre qu’il y a une injustice envers la classe moyenne » dit-il.
Au niveau des entreprises, l’économiste rappelle qu’il y a deux taux. Il y a 5% sur ce qu’on appelle les entreprises à monopole, notamment les opérateurs télécom et les cimentiers, et 2,5% pour les autres sociétés.
Dans son analyse, Kettani estime qu’on a exonéré deux types d’entreprises, à savoir celles qui se situent dans des zones où l’Etat veut encourager la croissance industrielle. Et il y a les entreprises qui se trouvent dans Casa Finance City, et qui sont exonérées d’impôts parce qu’elles ne veulent pas faire fuir un marché international de capitaux à Casablanca. « Là-dessus, il n’y a pas de discussion, ça va presque dans la logique des choses« , dit-il.
Mais ce qui est injuste, renchérit l’économiste, « c’est effectivement le fait d’imposer 1,5% à la classe dite moyenne, ou ce qui en reste. On va tirer vers le bas une classe qui était supposée jouer le rôle principal dans la demande sur le marché » souligne-t-il.
En défendant encore et toujours la classe moyenne qui représente une grande majorité de la société marocaine et qui sera la plus affectée par cette taxe de solidarité, Kettani explique que « la classe riche, n’est pas une grande consommatrice, puisqu’elle consomme plus à l’étranger qu’au Maroc, tandis que la classe pauvre ne consomme pas beaucoup parce qu’elle est justement pauvre. Et c’est la classe moyenne qui fait tourner la machine« .
« Donc, lorsqu’on s’attaque à cette classe moyenne pour sauver la classe pauvre, c’est d’une injustice effroyable« , estime-t-il.
Dans l’ensemble des mesures prises par l’Etat pour échapper à la crise économique, l’économiste Omar Kettani estime que « c’est l’Etat qui ne se solidarise pas avec le peuple et la société. La classe qui est protégée d’une certaine manière, c’est la classe de l’Etat, soit les hauts fonctionnaires qui ne veulent pas qu’on touche à leurs revenus« . L’économiste se demande dans ce sens , « que représente 1,5% par rapport à des salaires de 60.000 dirhams ? Pourquoi on taxe de la même façon celui qui touche 20.000 et celui qui touche 60.000 dhs ou 100.000? Ce n’est pas normal« , note-t-il.
Ceci-dit, Kettani imagine une société plus juste et moins rentière, où l’on puisse jouer sur les avantages de la rente et il y en a beaucoup. « Si cette rente n’existait pas, on n’aurait pas besoin de majorer d’impôts » dit-il, notant que » si cette taxe est appliquée, on parlera de Feu la classe moyenne, puisque l’Etat est en train de grignoter au fur et à mesure à chaque occasion par des subterfuges différents« .
« Or, finalement, trop d’impôts tuent l’impôt. D’autant plus que la proposition de l’impôt sur la fortune n’a malheureusement pas trouvé écho au gouvernement contrairement à cette taxe de solidarité« , conclut Omar Kettani.