Les antipaludéens de synthèse (APS) chloroquine (Nivaquine) et hydroxy chloroquine (Plaquenil), sont des médicaments utilisés au début, et depuis les années 50 du siècle dernier, pour lutter contre le paludisme (Malaria).
Ils ont une action immunomodulatrice, raison pour laquelle ils sont utilisés couramment pour traiter certaines maladies auto-immunes et certains rhumatismes inflammatoires chroniques. On pourrait estimer, au Maroc, le nombre de ces patients entre 50 000 et 360 000 patients, explique à Hespress Fr, Dr Saïd El Kettani, Interniste libéral à la ville de Settat après plus de 20 ans de travail dans le secteur public.
L’interniste rappelle ainsi qu’avec la propagation de la Covid-19 au Maroc, le ministère de la Santé a décidé d’utiliser les APS comme traitement de base et a pris la décision d’interdire leur vente dans les pharmacies. Pour les malades non atteints par le virus, le traitement est délivré au niveau des délégations provinciales sur ordonnance avec compte rendu précisant la nature de la maladie.
Sur ce dernier point, Dr. El Kettani précise que si dans plusieurs provinces du Royaume les choses se passent bien, au niveau de la région de Casablanca-Settat, le coeur battant du pays, et particulièrement au niveau de la province de Settat, les choses sont catastrophiques.
« La pharmacienne provinciale de Settat exige une ordonnance originale renouvelable chaque mois et aux meilleures conditions tous les deux mois. Ainsi, les malades mutualistes ne sont pas remboursés pour les autres médicaments qu’ils achètent et pour les analyses ou radiographies réalisées. Parfois, elle remet au patient une seule plaquette et non la boite complète. Le patient doit donc consulter et payer le cas échéant une nouvelle consultation. Elle ne délivre les médicaments que 2 jours par semaine, les lundis et les jeudis » nous indique Dr. Kettani précisant que la majorité de ces malades habitent la campagne.
Mais pas que ! L’interniste poursuit qu’un patient suivi pour maladie de système ou rhumatisme inflammatoire chronique et nécessitant un APS est revu en consultation tous les 3-4 voire 6 mois selon son état évolutif.
Il est donc illogique selon Dr. El Kettani, « qu’une ordonnance soit refaite chaque mois » donnant ainsi l’exemple d’une patiente « qui habite El Brouj (71 km au sud de Settat) et qui doit, en plus d’un déplacement inutile, payer un minimum de 60 Dh pour le taxi pour récupérer une boite de Nivaquine à 12 Dh ! »
La solution ingénieuse trouvée par la pharmacienne en question, est d’adresser les patients aux spécialistes de l’hôpital provincial (internistes ou rhumatologues) pour qu’ils recopient l’ordonnance du médecin traitant, indique le spécialiste ce qu’il estime comme un manque de respect à la profession de médecin et à l’acte médical ainsi qu’un préjudice aux patients.
« Ainsi un médecin spécialiste hospitalier (avec un minimum de 13 ans d’études supérieures) devient un simple écrivain public qui recopie les ordonnances des autres médecins. Or, la rédaction d’une ordonnance n’est que l’aboutissement d’un acte médical avec ses répercussions médicolégales ! Par cette action « notre » pharmacienne dévalorise tout l’acte médical en plus de porter préjudice aux patients et à leur famille. Je vis également des problèmes similaires mais beaucoup moins importants avec les malades de Berrechid ou de Casablanca » dit-il.
Face à cette situation, Dr. Kettani nous indique qu’il a à plusieurs reprises informé les responsables du programme Covid ainsi que le délégué provincial du ministère de la santé, mais sans résultat. Un responsable ministériel lui a ainsi expliqué qu’il devait passer par le site du Ministère au niveau de l’application Chikaya. Une semaine après, toujours aucune réponse, assure-t-il.
Pour Dr. Kettani, le traitement du Sars-Cov-2 par les APS ne fait pas l’unanimité dans le monde. « Au Maroc nous appliquons le protocole national et la discussion scientifique ne sera judicieuse qu’une fois la pandémie passée », avance-t-il.
« Plusieurs malades ont déclaré avoir constaté dans les hôpitaux de campagne (donc il s’agit de malades asymptomatiques) que plusieurs malades n’avaient pas pris l’APS car la rumeur était très grande que ces médicaments entrainaient des effets secondaires graves et essentiellement une stérilité« , révèle l’interniste.
Selon lui, la Covid-19 pose beaucoup de problèmes et les solutions ne doivent pas en créer d’autres, notant que « nous déléguons des taches à des cadres pour qu’ils agissent en tant que cadres et non comme de simples exécutants dénués de bon sens« .
In fine, Dr. El Kettani demande aux responsables du ministère de revoir et humaniser la relation avec les patients marocains en s’inspirant de ce qui existe déjà sur le terrain. « Au niveau des centres de santé, chaque jour des milliers de médicaments pour lutter contre le diabète et l’HTA sont délivrés par les majors. Le traitement antituberculeux est par ailleurs délivré graduellement sur la présentation d’une fiche cartonnée qui reste valable de 6 à 9 mois que dure le traitement. A noter que la Tuberculose pose des problèmes beaucoup plus graves et structurels que la Covid-19 trop médiatisée !« , conclut-il.