Tijania Fertat raconte son "séjour chez les covidiens"

Tijania Fertat raconte son "séjour chez les covidiens"
lundi 10 août 2020 - 08:34

Etre un « covidien » est une expérience certes pas facile, que chacun vit à sa manière. Le protocole et les conditions de prise en charge, l’isolement, l’évolution de la maladie, autant de facteurs qui font que le situation change d’un « covidien » à un autre. Les témoignages sont nombreux, mais celui, poignant, livré par Tijania Fartat, est autrement édifiant. 

L’ancienne directrice de l’Académie régionale de l’éducation et de la formation (AREF) à Rabat et ex-membre du Conseil Supérieur d’Education de Formation et de la Recherche Scientifique, diagnostiquée positive au Covid-19, raconte son expérience dans une sorte de « carnet du malade ». Nous vous laissons découvrir.

« Les résultats des analyses sont tombés comme un couperet, le mardi vers huit heures du soir. A partir de ce moment j’ai eu en continu des coups de fil de la part de plusieurs responsables de l’intérieur et de Tijania Fela déléguée de la santé. J’ai répondu à toutes les questions. Les mêmes posées par plusieurs personnes successivement. Cela m’a fait plaisir. L’Etat s’intéresse à mon bien être de citoyenne.  Le mardi, on m’a ramenée au centre Sidi Yahya réservée aux « covidiens ».

On m’achemine vers un grand et immense chapiteau. A l’entrée, plusieurs personnes réclament de parler à un responsable. Ils disent que rien ne se passe à l’intérieur et qu’ils ne font que dormir et manger.
Je suis rentrée quand même. En tant qu’ancienne responsable je connais « l’effet »de la foule » il faut s’en assurer soi-même de ce qu’on dit.

J’ai dû traverser plusieurs couloirs pour arriver à la partie réservée aux femmes et m’installer dans un boxe individuel ce qui est une bonne chose. Le soir on nous a donné à manger. Dans les sachets individuels qu’on nous a remis, l’essentiel y est, sauf pour moi en tant que diabétique. Je comprends qu’il soit difficile de gérer les cas spécifiques devant le nombre important des gens à soigner. J’ai pu quand-même manger une portion de fromage de la vache qui rit.

La même chose pour le petit déjeuner. Je vais me rendre compte très vite que les gens hospitalisés ne font que manger et dormir. Aucun suivi médical telle que la surveillance de la température ou la tension. Rien. On vous fait un ECG après deux jours de votre arrivée.

C’est l’enfer

Le chapiteau est immense, l’éclairage est commun, et là c’est le calvaire, difficile je veux dire Impossible de dormir.

Dans ce chapiteau les hommes et les femmes ne sont séparés que par des couloirs. Les hommes traversent la partie réservée au femmes pour aller aux toilettes ou aux douches. Et apparemment cela ne pose de problème à personne. Femmes et hommes sont ici juste des malades.

L’éclairage, les téléphones, les femmes assises ou étendues par terre papotant, se plaignant tout le temps. L’inquiétude est générale. C’est l’enfer.

En deux jours on n’a pas vu l’ombre d’un médecin ou d’un infirmier. Toutes ces femmes, jeunes moins jeunes veilles, inquiètes attendent le médicament miracle depuis quatre certaines depuis cinq jours. Aucune explication aucune information ne filtre, aucun responsable ne met son nez dans le chapiteau. Personne avec qui parler. Les covidiens sont fuis comme des pestiférés. C’est normal le virus est très contagieux. Mais un médecin est sensé se protéger pour aller vers le malade.

Il fait chaud dans le chapiteau. Les gens attendent. J’essaie de m’informer. Il faut attendre. Mon angoisse commence à prendre des proportions qui semblent m’échapper. Je commence à prendre des contacts pour qu’on intervienne pour être informée sur mon état.

Ma première pensée : je vais mourir si on ne me donne pas rapidement le traitement. Ayant pas mal de maladies chroniques, ma santé va certainement se dégrader très vite.

Le temps de la maladie n’est pas le nôtre

Vers la fin de la journée, un monsieur qui a un gros ventre portant T-shirt à rayures et un long caleçon montrant des jambes arquées qui semblent souffrir sous le poids de sa bedaine, arrive avec un gros carton plein de petits sachets où il semble qu’il y ait des médicaments. Les femmes, comme un essaim d’abeilles, se sont abattues sur le carton.

Face à un désordre incroyable, on demande aux femmes de remettre les sachets dans le carton. Un para-médical criait de loin sans s’approcher demandant de rendre les sachets. J’étais très fatiguée pour essayer de comprendre. Je me suis retirée dans mon box. On a distribué le dîner qui était correct. Mais pour moi, diabétique, il n’y avait rien à manger. Et je n’avais pas envie de manger.

J’ai eu des responsables qui m’ont téléphoné qui m’ont promis que le nécessaire sera fait le lendemain. Mais dans ma tête, l’ECG et les analyses ne peuvent attendre. Le temps de la maladie n’est pas le nôtre. La contagion est galopante. Toute intervention doit être rapide. Sentiment d’impuissance. Je ne peux même pas m’enfuir. Tout est verrouillé et tous les accès sont gardés.

Je me mets à écouter mon corps, à chercher les symptômes dans ma respiration, dans les mouvements de mon corps.. dans ma voix devenue rauque.

J’avais un souci majeur. Que deviendra mon fils Youssef si je meurs? Un garçon de 27 ans mais qui a plein de problèmes… Il est mon fils adoptif, il n’a pas le droit de jouir de mes biens. Comment faire? J’ai écrit une sorte de testament que j’ai envoyé par WhatsApp à mon grand frère. Qui, touché, me répond que mon message lui a donné froid au dos.

J’étais tellement épuisée que j’ai dû dormir profondément ».  (A suivre)

Tijania Fertat

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