A l’image de beaucoup d’autres secteurs clefs qui emplois énormément d’employés, les responsables au sein de la Confédération générale des entreprises du Maroc (CGEM) cherchent par tous les moyens à relancer le secteur de l’immobilier, qui a lui aussi été frappé par la crise économique liée au Covid-19. Un secteur qui emploie plus d’un million de main-d’œuvre et qu’il faudra préserver.
Selon le président de la CGEM, Chakib Alj, la solution est de « se concentrer sur les marchés publics ciblant le secteur de l’immobilier, pour éviter toute tendance au licenciement des employés par les entreprises opérant dans le secteur de l’immobilier ».
Pour Omar Kettani, professeur d’économie à l’Université Mohammed V de Rabat, « il y a plusieurs aspects pour promouvoir l’immobilier, dont le premier est d’encourager les petites et moyennes entreprises du secteur. Lorsqu’on parle des marchés publics, ces derniers malheureusement, vont vers les grands et moins vers les petits ».
L’autre aspect pour relancer l’immobilier c’est la décentralisation, indique l’économiste à Hespress Fr. « Il faudrait décentraliser un petit peu les marchés publics, c’est-à-dire aller vers les régions où il y a un manque de logement et d’investissement. La décentralisation avec l’utilisation de la main-d’œuvre locale serait une manière d’encourager la décentralisation dans le secteur de l’immobilier. C’est un aspect qui est très important », a-t-il souligné.
En gros l’économiste estime qu’il faudrait une charte de fonctionnement qui puisse privilégier les entreprises locales et les petites et moyennes entreprises au lieu des grandes. « Parce que de toute les façons » dit-il, « cela va de pair, puisque les grandes entreprises sont souvent localisées dans les grandes villes, notamment Casablanca et Rabat ».
S’agissant des prix du logement qui augmentent d’année en année, Omar Kettani avance qu’il « faudrait aussi faire pression sur les promoteurs pour baisser les prix du logement et surtout ce que certains appellent le logement économique alors qu’il n’a rien d’économique » ironise-t-il.
« Lorsqu’on vend à 25 millions de centimes un logement dont le prix de revient est de 7 à 8 millions de centimes, on se pose la question qu’est-ce qui reste d’économique là-dedans, surtout lorsque les banques se mettent dans le crédit pour que le logement soi-disant économique, qui coûte au citoyen en fin de compte 37 millions de centimes au bout de 20 ans de remboursement ».
Pour notre interlocuteur, « il ne suffit pas simplement de lancer les marchés publics, encore faut-il baisser les prix. Pour un cycle de 10 ans de crédit à un logement public vendu à 12 ou 13 millions, les promoteurs peuvent doubler le cycle de construction. Pourquoi ? Parce qu’à 25 millions on peut récupérer sur 10 ans le crédit et donc le relancer à nouveau ce qui fait qu’ils peuvent multiplier à 100% le rythme de croissance de logement et de récupération de l’argent. Or, l’argent circule très lentement quand il s’agit de 20 ans et 25 ans de crédit ».
Et Omar Kettani d’expliquer: « C‘est ça le raisonnement économique et tout le monde est gagnant. Il faudrait donc éviter de lancer des crédits de logement sur 20 ans puisque cela tue l’économie et le citoyen ne peut plus consommer et acheter encore une fois puisqu’il est déjà endetté jusqu’au cou pour une langue durée ».
Il faudrait donc que tout le cycle qui renchérit le coût du logement soit revu à la baisse, souligne-t-il, rappelant tout de même que les investisseurs et promoteurs immobiliers « ne peuvent pas prétendre que le secteur est en crise. S’il est en crise il faut baisser les prix à tous les niveaux. Et là, l’État doit faire jouer la concurrence ».
En revenant à la déclaration du président de la CGEM qui veut relancer le secteur de l’immobilier, comme tout autre secteur clefs qui emplois un nombre conséquent d‘employés, à travers les marchés publics, l’économiste estime que cela est un aspect parmi tant d’autres. Il est vrai que les plus grands projets de construction sont souvent menés par l’État et c’est une bonne chose, souligne-t-il.
Cependant, l’expert fait savoir que « le secteur connait malheureusement beaucoup de magouilles et c’est ce qui tue le bâtiment et c’est ce qui fait que le célibat se développe au Maroc ».
« Les conséquences sociales et psychologiques sont énormes. La débauche se développe à cause de ce renchérissement et ce monopole du secteur du logement. Il n’y a pas simplement que l’emploi qu’il faut sauver mais il y a beaucoup d’aspects à caractère social et psychologique qu’il faut prendre en compte. Parce que le logement c’est une sorte de sécurité pour le citoyen. Alors que si ce dernier est livré à lui-même, il est à la merci des promoteurs, des propriétaires fonciers, du système bancaire. Le citoyen est donc à la merci de tous et n’est pas défendu à côté par l’État qui n’a pas la mentalité et la fibre sociale. Et ça, c’est très dangereux », conclut-il.