UNEM 3è partie : La jeunesse et le débat sur l’éducation

UNEM 3è partie : La jeunesse et le débat sur l’éducation
Crédits Photo : Marouane Charaf Eddine
vendredi 14 septembre 2018 - 13:30

La rentrée scolaire 2018 a été marquée par une polémique sur les réseaux sociaux concernant un manuel scolaire contenant des mots en dialecte marocain, à savoir « beghrir », « ghriyba » et « briouates ». Beaucoup de gens ont haussé le ton, et se sont empressés de crier au scandale !

Dans son réactivisme « habituel », le gouvernement a « vite fait » d’essayer de fournir des explications par la voix d’El Otmani, et de rassurer le peuple en annonçant « l’exposition du problème face à des spécialistes qui tâcheront de trouver des solutions ».

Le problème ici est que l’Étudiant ne fait pas partie de ces spécialistes, et donc, du seul débat qui le concerne directement. De plus, aucun syndicat ni parti n’ont le pouvoir de proposer des solutions viables, représentatives, et qui seront discutées publiquement. Dans ce sens, ne devrait-on pas se poser les questions suivantes : Pourquoi les organes politiques ont-ils perdu leur force de proposition ? Pourquoi la jeunesse ne sait-elle plus comment s’unir ? Et quelle est cette polémique sur les manuels scolaires ?

La force de proposition : 

La dernière participation effective, en termes de propositions, des partis remonte à la constitution de 2011, qui est tout de même restée très superficielle. Les débats tournaient principalement autour de « Imarat al Mouminine », des relations hommes/femmes, de la monarchie parlementaire ou constitutionnelle, alors que certains discutaient quelques articles sans aller au fond, sans feuille de route culturelle ou sociale.

Contacté par Hespress FR à ce sujet, Khalid Chegraoui, historien, Professeur de l’enseignement supérieur et chercheur à l’Institut des Études Africaines de Rabat, nous a déclaré que : « Jusqu’à maintenant les partis politiques n’arrivent même pas à présenter des idées concernant l’enseignement, la langue, le rapport à la religion, sauf dans le populisme ! Mais ça, c’est l’apanage de tout le monde. »

Leadership en péril :

Aucune mouvance politique marocaine n’a la même force de proposition politique et idéologique qu’avant, est ce que les partis politiques aujourd’hui arrivent à présenter des propositions ou des feuilles de route ? Pas vraiment.

Ceci est un problème de leadership, ce ne sont plus les mêmes qu’avant, surtout après la chute du mur de Berlin qui s’est traduite par la chute des idéologies en place.

Elles ont été remplacées par beaucoup de populisme, même en Europe aujourd’hui avec la montée du populisme et la régénération du fascisme…

L’historien ajoute qu’« il ne faut pas attendre que l’UNEM ou ce qui en reste, avec tous ses groupements, et son éparpillement arrive à présenter quelque chose. Aussi faut-il rappeler que la place de l’université a presque chuté sur le plan idéologique au sein de la société marocaine ».

« Aujourd’hui l’université est un espace où les étudiants vont chercher un diplôme afin de trouver du travail, ce n’est plus un espace de construction de l’esprit, ni de formation politique ou autre… c’est devenu une machine de production du chômage diplômé », déplore Chegraoui.

Il est rejoint dans cette idée par Hassan Zaidan, Professeur chercheur en sociologie et professeur de sciences de l’éducation, qui a, pour sa part, indiqué à Hespress FR que « l’université perd le rôle qu’elle occupait avant, c’est comme si elle voulait ressembler à une simple école. La différence entre les écoles supérieures et l’université s’illustrait dans le fait que dans les écoles les jeunes n’étaient pas vraiment impliqués dans le travail associatif… à cause des programmes chargés, mais l’université encourageait ça avec un emploi du temps assez léger… par malheur l’université est en train de devenir une école ».

Manque de solidarité chez les étudiants, la raison ?

Le sociologue contacté par Hespress Fr a ensuite expliqué la raison pour laquelle la jeunesse n’est plus aussi solidaire qu’avant. D’après Zaidan : « il y’a une sorte d’égoïsme, qui peut parfois s’avérer positive. Par exemple, quand quelqu’un qui appartenait à une formation (syndicale) et qui a eu des problèmes, tu commences à hésiter, et tu te dis qu’il vaut mieux s’éloigner de ça et travailler en silence plutôt que d’arriver à ces objectifs (syndicaux). Plusieurs ont même été poursuivis en justice, donc les autres commencent à vouloir s’éloigner le plus possible, pour s’assurer un avenir, et l’avenir commence avec un diplôme… ».

Qu’en-est-il de la légitimité du syndicat en tant qu’organisation ?

Quand on voit que l’organisation « X » ne va pas mener la personne vers ses objectifs, et qu’elle ne va pas la tirer vers le haut, celle-ci s’éloigne. Il n’y a plus de confiance en ces organisations et en leur rôle dans la société.

Dans ce sens, Zaidan estime que : « l’organisation souffre non seulement de ça, mais il se peut qu’il y ait des parties qui veulent que le syndicat ne soit plus, car il lui crée problème. Il peut s’agir de politiciens pour lesquels il constitue un danger, comme il peut s’agir d’un parti politique ou d’un quelconque tiers qui voit que la base d’un autre parti s’appuie fortement sur cette jeunesse. Ils vont donc attaquer le syndicat jusqu’à ce qu’il perde sa légitimité ».

Entre l’UNEM d’hier et les syndicats d’aujourd’hui, il y’a un grand gap de crédibilité, et ça ne peut pas être aléatoire.

Le Faux Débat sur le « Baghrir » :

Ce qui se passe maintenant est un faux débat, tout le monde parle du système éducatif et du système scolaire, mais rares sont les gens qui ont vraiment lu et qui ont eu entre les mains les documents.

Qui a vu ce qu’il y’a ? Qui a lu ? Qui a le manuel en main ? Rares !

Il s’agit en réalité d’un seul manuel, et le reste des informations qui circulent sont très probablement des fake news, mais ce n’est sûrement pas pour rien qu’elles sont propagées.

Khalid Chegraoui explique : « Tout ce qui concerne le Baghrir… ce sont des noms propres qui ne sont pas traduisibles, est-ce qu’on ne peut pas mettre un nom propre ? Si, on peut. Pourquoi l’a-t-on mis ? C’est une autre question. À quelle fin ? C’est une autre question encore. Est-ce qu’il y’a un autre usage derrière, est-ce qu’on prépare quelque chose derrière ? Je ne sais pas ».

« Le débat aurait été meilleur si on avait vraiment rediscuté la langue avec laquelle doit-on mettre en place notre système éducatif, quelle nouvelle pédagogie ? Quels sont les objectifs d’enseignement ? »

La réaction du Gouvernement

Très clairement on s’aperçoit que le gouvernement n’est pas apte à gérer les choses. Dimanche 9 septembre El Otmani dans une déclaration à la MAP affirmait que le débat devra être soumis aux spécialistes, et il demande au ministère de l’Éducation d’abandonner ce qui crée polémique si les éducateurs, les pédagogues et les linguistes en concertation avec le conseil supérieur de l’enseignement jugent que c’est nécessaire.

Le travail de ce conseil n’est pourtant que consultatif, et il s’agit d’un problème de manuels donc d’une affaire technique. En conséquence il est du ressort du ministère de tutelle lui-même de revoir ces manuels, et de décider de ce qui doit être sur le marché, de même que de ce qui doit être retiré.

Ajoutons à cela que le manuel est une affaire d’argent également où entrent les imprimeurs et les éditeurs, c’est une affaire économique très importante, donc très complexe.

Les étudiants dans le débat,

La sphère étudiante, ou la tranche d’âge concernée est en majorité connectée aux réseaux sociaux, où certains critiquent, et d’autres tournent l’affaire en sarcasme. Aucun vrai débat n’est engagé, mais tout le monde en parle et propage parfois des fake news.

Il aurait très intéressant d’avoir un débat où l’étudiant à travers une instance comme l’UNEM soit là, les partis politiques soient aptes à faire le débat, et l’État à travers le gouvernement réponde et discute convenablement.

Parole pour tous :

Sur les réseaux, notamment Facebook et Whatsapp, des images, des vidéos et des commentaires sont partagés quotidiennement concernant tous les sujets. Les gens s’indignent, chose naturelle, mais ils donnent leur avis publiquement sans maîtriser les règles de la parole en public.

« Tout le monde est devenu producteur d’opinion publique », indique à ce propos Khalid Chegraoui, avant d’ajouter:« des vidéos circulent actuellement où on voit une femme dire pourquoi on leur parle (dans les manuels) du Baghrir. Le Baghrir c’est chez nous… c’est du n’importe quoi le problème n’est pas là ».

Pourtant ces vidéos font le buzz et nous les trouvons partout.

Et de conclure: « Quand on donne la parole à ceux qui ne savent pas ce qu’est la parole, c’est la pagaille totale, d’ailleurs on ne peut plus différencier le vrai du faux ».

Umberto Eco résumait bien la chose : « Les réseaux sociaux ont donné le droit de parole à des légions « d’imbéciles » qui avant, ne parlaient qu’au bar, après un verre de vin et ne causaient aucun tort à la collectivité. On les faisait taire tout de suite alors qu’aujourd’hui ils ont le même droit de parole qu’un prix Nobel ».

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