Début mai déjà, dans un entretien exclusif au quotidien suisse « 24 heures », le Belgo-Américano-Marocain de 60 ans, Moncef Slaoui, conseiller de la Maison-Blanche contre la pandémie, jetait un regard sans concession sur la course au vaccin contre le Covid-19 et sur la lutte pour les précieuses doses.
Dans cette interview réalisée lors d’un appel de fonds mondial organisé le 4 mai dernier à Bruxelles pour la mise au point d’un vaccin et de traitements contre le coronavirus, le journal ne tarit pas d’éloge à l’égard de l’ancien responsable des vaccins chez GlaxoSmithKline (GSK) – dont il a dirigé l’ensemble de la recherche, Moncef Slaoui une figure de l’immunologie, versant industriel.
« Un des hommes les plus respectés au monde dans la production et la formulation de vaccins« . C’est ainsi que Donald Trump l’avait présenté le 15 mai dernier, en le nommant à la tête de l’opération « Wrap Speed » : Secondé par un général quatre étoiles, il pilote les efforts de l’Amérique pour se doter d’un vaccin dans les prochains mois et en produire 300 millions de doses d’ici à la fin de l’année.
Moncef Slaoui siégeait alors au conseil d’administration de Moderna. La société basée dans le Massachusetts qui bénéficie du soutien financier de l’administration Trump est, l’une des sociétés les plus en vue dans cette course au vaccin. Moncef Slaoui est également associé chez Medicxi, société financière basée à Genève et spécialisée dans l’investissement et la création de sociétés de biotech. Celui qui a préparé son doctorat en immunologie à l’Université libre de Bruxelles, s’est exprimé en exclusivité sur cette quête d’ampoules injectables que tous les pays rêvent d’accaparer.
A la question de savoir s’il avait fait déjà fait face à une telle situation, Moncef Slaoui a rétorqué : « Oui, deux fois. La première contre la grippe H1N1 avec GSK, et contre Ebola, en 2013 – une épidémie qui a permis de faire de très gros progrès –. Nous avions mobilisé toute l’entreprise pour produire un vaccin le plus rapidement possible, comme ce fut le cas chez Johnson & Johnson et Merck ».
Puis répondant à la course effrénée que se livrent les groupes et une première date dès l’automne, Moncef Slaoui s’est voulu mesuré: « Trois vaccins sont déjà en phase de développement clinique dans le monde. La pression pour obtenir un résultat est telle que des groupes prennent déjà le risque de mettre en place des lignes de production en parallèle… avant même les résultats finaux. On aura donc trois ou quatre vaccins disponibles en fin d’année, capables d’être produits à plusieurs dizaines de millions d’unités ».
Puis poursuivant : « Tous ne reflètent que des technologies déjà totalement ou partiellement éprouvées en études cliniques. Après Ebola, j’ai milité en 2015 et 2016 pour la création d’une entité spéciale, la Bio Preparedness Organisation. Cette dernière devait être dédiée à la découverte de vaccins contre les pandémies, mais surtout à leur production en masse, dans des usines dédiées capables de fournir des centaines de millions de doses. Nous n’avons pas été entendus ».
Moncef Slaoui s’est en outre dit assez optimiste sur le fait que plusieurs vaccins auront atteint le stade des tests cliniques et seront produits à moyenne échelle d’ici à un an. « Mais on parle ici de milliards de doses nécessaires, que nous sommes incapables de produire à ce jour. Les usines des grands groupes n’ont aucune marge de manœuvre. Et contrairement aux médicaments, la sous-traitance de la production n’existe pratiquement pas dans les vaccins… à moins que la menace du coronavirus (Covid-19) n’incite les gros producteurs de Lonza ou Wuxi de s’y intéresser ».
Concernant la réticence de certains groupes à se lancer à la course au vaccin, il a indiqué, qu’en février, tous les grands groupes ont hésité, avant que le SARS-CoV-2 ne prenne les proportions actuelles. Depuis bien de l’eau a coulé sous les ponts. Il y a aujourd’hui entre 70 et 130 projets de vaccin dans le monde. « C’est une situation extraordinaire, même si je pense que l’énorme majorité ne va pas y arriver », dit-il, affirmant que les labos qui réussiront « sont ceux qui déploient les trois grands types de technologies d’ores et déjà en phase de test clinique ».
La première est classique, extraction des protéines propres au virus, production en masse et association à un adjuvant, la seconde est celle qui a été mobilisée contre Ebola et Zika elle est développé par Johnson & Johnson (tests cliniques en automne) et l’Université d’Oxford (tests déjà en cours). La troisième la plus novatrice, mobilisant la génétique, est celle des vaccins à base d’ADN ou d’ARN comme, ceux de Moderna ou de l’allemand Biontech.