UNEM (Partie 1) : La jeunesse perdue

UNEM (Partie 1) : La jeunesse perdue
Crédits Photo : Marouane Charaf Eddine
jeudi 13 juin 2019 - 08:07

A l’occasion de la fin de l’année scolaire et universitaire, la période des examens et le tournant que la fin des études peut marquer dans la vie des jeunes qui se trouvent ainsi à la croisée des chemins, indécis pour leurs choix d’avenir et partagés entre leurs idéologies et  les impératifs que peut imposer la recherche d’un devenir « sûr », Hespress FR propose un dossier sur l’Union Nationale des Etudiants Marocains (UNEM), en trois parties: Historique et Genèse, Analyse et Situation actuelle.

Les rêves de liberté, de conquête, d’avenir, la vie universitaire a pendant longtemps rimé avec l’espoir de changer le monde. Beaucoup de mouvements de contestation sont nés dans ses rangs, et beaucoup d’histoires, de justices, d’injustices, de causes et de remises en cause ont connu leurs premières heures dans ces lieux.

L’université est donc également le synonyme du début de l’intégration dans le monde politique et dans l’activisme. Ainsi, dès 1956, le premier syndicat étudiant au Maroc fut formé autour du Parti Istiqlal, il s’agit de l’Union Nationale des Etudiants Marocains (UNEM). Comme tout syndicat, son objectif est de défendre les intérêts de ceux qu’il représente, et pour mieux comprendre ce qui se passe actuellement comprenons ce qui s’est passé…

De 1956 à 1958 ce syndicat a vécu alors sa première phase qui a touché à sa fin avec son troisième congrès. Et le IVe congrès de 1959 signe la rupture. Le contexte politique de l’époque est représenté par la scission de l’UNFP (Union nationale des forces populaires), aile gauchiste de l’Istiqlal.

N’oublions pas que l’UNEM n’a jamais été affiliée exclusivement à un seul parti.

En 1961, ce syndicat passe à l’opposition avec le parti UNFP, c’est durant cette période qu’il connait ses premières grandes heures de gloire… avec le boycott de la constitution de 1962, une lutte frontale s’enclenche avec le régime. Plusieurs contestations s’ensuivent, et le mouvement étudiant revendique de meilleures conditions pour les étudiants, qui se soldent par des mois de grèves.

La 21 Janvier 1964, devant la montée en puissance de l’UNEM, le ministère de l’intérieur interdit aux élèves (lycéens et collégiens) d’en faire partie. Le syndicat est alors poursuivi en justice car son règlement constitutif n’était plus conforme à la décision du 21 Janvier.

Le temps des révolutions :

En 1965, une circulaire ministérielle interdit aux majeurs de passer le brevet, ce qui déclenche l’insurrection du 23 Mars à Casablanca regroupant 15.000 personnes. Elle fut réprimée par les armes. La contestation s’étend à d’autres régions qui subissent le même sort, ainsi des centaines de morts et de disparus ont été à déplorer.

A la fin des années 60, un air révolutionnaire souffle un peu partout dans le monde avec « mai 68 » en France, le printemps de Prague en Tchéquo-Slovaquie, la révolution culturelle chinoise. Et l’UNEM se réunit autour de deux slogans « à chaque lutte populaire son écho dans l’univers » et « UNEM avant-garde ». Le marxisme-léninisme marocain est né, de même qu’une génération d’étudiants ultra-politisés.

Sortant de l’UNFP, le mouvement « 23 mars » voit le jour en 1968, et en 1970, les contestataires du PLS (Parti de la Libération et du Socialisme) fondent le mouvement « Ilal Amam ». Cette même année se forme le Mouvement Marxiste-Léniniste Marocain (MMLM) qui dénonce le réformisme des partis officiels. Mais la répression s’abat sur lui dès 1971.

Le tournant des années 70 :

Après les putschs de 1971 et de 1972, l’UNEM estime que le régime est très déstabilisé et entame des grèves, ravivées par l’arrestation de plusieurs d’entre eux.  En 1972, pour mettre fin aux manifestations, des intellectuels et des professeurs sont arrêtés. Le gouvernement accepte tout de même les revendications mais le président le l’UNEM, Taïeb Bennani, démissionne lors du 15ème congrès le 11 août 1972.

Le 2 septembre 1972, son nouveau président Abdelaziz Menebhi est arrêté ainsi que son vice-président, ce qui provoqua en 1973 une rentrée scolaire très tendue. Une campagne de répression est mise en place, certains militants de l’UNEM sont emprisonnés, ou exclus de leurs établissements.

Le 24 Janvier 1973, l’UNEM est officiellement dissoute. Un service civil de deux ans est mis en place, car les étudiants sont inquiets de l’apparition du chômage en 1971. Il vise également à éloigner les éléments les plus activistes.

Les mouvements se poursuivent, et des militants sont jugés au cours de plusieurs procès jusqu’à la fin des années 70, ils passeront des années en prison.

Et … l’arabisation :

Les autorités s’attaquent alors à la réforme du système d’enseignement pour saper les bases de la pensée critique qui avait conduit à la révolte de l’Université. A l’occasion de la fermeture de la section française de philosophie, la pensée islamique dans sa version idéologique fait son apparition dans cette branche. Les départements d’histoire et de sciences humaines sont également arabisés en 1973. Enfin en 1978, un département d’études islamiques est ouvert à l’Université après que Azeddine Laraki (PI) nommé ministre de l’éducation nationale, ait lancé l’arabisation de tout le système d’enseignement.

D’après l’historien Pierre Vermeren « la réforme lancée en 1978… à 1989… répond à des considérations idéologiques +du PI+(l’arabisation réclamée depuis l’indépendance) et politiques (saper les bases de la pensée de la pensée critique à l’école pour contrer les contestations de gauche), et à des intérêts sociaux très précis ».

Cette politique permet aussi d’écarter les nouvelles classes moyennes entrées à l’université depuis 1965 qui concurrencent les familles de notables qui dirigent le parti et qui fréquentent les écoles françaises, y compris ceux du ministre.

En novembre 1978, l’UNEM est réautorisée et la nouvelle génération qui prend en main sa reconstruction est de plus en plus islamisée.

Les islamistes à la conquête

Avec les années 1980, les mouvements islamistes se développent un peu partout dans les pays arabes, et par effet de contagion arrivent au Maroc. La conquête des universités est la suite naturelle de ce processus, et l’UNEM qui a résisté pendant des années a fini par céder. Depuis les années 1990 elle est aux mains des islamistes.

En 1998, avec le gouvernement de l’alternance, les anciens ténors de l’UNEM se retrouvent au pouvoir (F. Oualalou, Habib el Malki, Khalid Alioua…), mais la pagaille règne au sein du syndicat historique qui n’arrive plus à s’unir autour d’un seul mot d’ordre. Les factions sont très divergentes, entre islamistes et gauchistes, l’Union tient sur un fil.

A partir des années 2000 le mouvement est quasi éteint, seuls quelques fiefs de contestation survivent ici et là, leurs voix ne dépassent pas l’enceinte de leurs villes. Devant un champ politique chaotique, ses supports traditionnels ont été réduits en miettes, et cet émiettement se reflète sur les programmes actuels et la qualité de l’enseignement qui produit plus de chômeurs que jamais, des gens démotivés politiquement, et une jeunesse peu consciente de la force que peut constituer l’union pour arriver à un changement positif dans ce système éducatif.

Pourquoi l’Union a perdu sa force de proposition ? Quelle est sa situation actuelle ? Qui la gère ? Que faire face à la Darijisation de l’enseignement ?

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