Réunissant 22 ONG de défense des droits humains, la Coalition marocaine des instances des droits humains (CMIDH) a organisé ce mercredi à Rabat une conférence de presse pour présenter son mémorandum, soumis mardi à la Commission spéciale sur le modèle de développement (CSMD). Le collectif a notamment souligné que la plupart des rapports sur la situation des droits humains, aux niveaux national et international, mettent l’accent sur les régressions qu’ont connues les droits et les libertés au Maroc au cours des dernières années. Précisions.
La CMIDH a indiqué dans son mémorandum que « comme à l’époque connue sous la dénomination des +années de plomb+, les mouvements pacifiques de contestation ont à nouveau été réprimés violemment, avec des arrestations suivies de lourdes condamnations, en instrumentalisant la justice pour blanchir les violations commises par l’Etat dans des circonstances similaires à celles du passé, dénoncées dans ce qui a été appelé +processus d’Equité et de réconciliation+, avec une promesse officielle de rupture avec cette époque et de non répétition des actes de violation des droits humains« .
Président de l’Organisation pour la liberté d’information et d’expression au Maroc, Mohamed Laouni a révélé qu’il n’y a pas eu de débat avec les membres de la CSMD. « Nous avons parlé du mémorandum que nous sommes venus déposer. Les membres de la Commission ont ensuite posé des questions sur ce que nous pensons de plusieurs sujets qui vont des recommandations de l’IER à l’indépendance du pouvoir judiciaire. Des questions auxquelles nous avons répondu, mais opérationnellement, il n’y pas eu débat, juste des réponses à leurs questions« , a déclaré le militant associatif.
Egalement présente lors de cette entrevue, l’ex-présidente de l’Association marocaine des droits humains (AMDH) Khadija Riadi a expliqué que « la CSMD estime qu’aucun développement ne peut être envisagé sans respect des droits humains. La reconnaissance officielle de l’échec du +modèle de développement+ nécessite l’explication de cet échec, à travers les causes structurelles qui ont fait obstacle au vrai développement du pays tout au long des 60 dernières années, et notamment dans le non-respect par l’Etat de ses engagements quant au respect et à la protection des droits humains dans leur signification universelle« .
Dans son mémorandum, la Coalition de 22 ONG actives dans le domaine des droits de l’Homme a considéré que « depuis 2000, plusieurs tentatives de réformes ont été menées, mais en l’absence d’une vision stratégique, globale et cohérente qui répond en priorité aux besoins fondamentaux de la population. Or, les causes de l’échec résident d’abord dans l’absence d’une volonté politique réelle, sans laquelle la CMD n’aurait plus de sens et risquerait de s’ajouter à la liste des autres tentatives officielles antérieures, annoncées et restées lettre morte ».
Dressant son constat, la CMIDH voit le « développement » comme un processus global, multidimensionnel, complexe et complémentaire. « Ce processus est conditionné par des changements structurels profonds, afin d’ouvrir la voie à une restauration de la confiance entre l’Etat et les citoyens et entamer une nouvelle dynamique sociétale, car il ne peut y avoir de développement avec le maintien de la logique des instructions et la non consécration effective de la suprématie de la loi« , a notamment souligné Khadija Riadi.
Au niveau de ses engagements internationaux dans le domaine des droits de l’Homme, l’avocat notamment membre du Comité de défense des détenus du Hirak du Rif, Abderrahim El Jamai a considéré que « l’Etat demeure défaillant dans le respect effectif des droits humains au sens universel, de même que les réserves maintenues dans les conventions et accords adoptés, relatifs aux droits humains, vident lesdits accords et conventions de leur substance« .
Au cours de cette conférence, les représentants de la Coalition sont également revenu sur l’avis du Conseil national des droits de l’Homme (CNDH) qui a reconnu, devant le Parlement, l’existence d’obstacles structurels pour pouvoir mettre fin à la pratique de la torture. « En 2017, cette instance officielle est allée jusqu’à reconnaître les cas de torture soulevés dans plusieurs procès, sans que les tribunaux en tiennent compte« , rapporte le mémorandum.