Afrique: Des systèmes éducatifs défaillants face à une jeunesse dynamique et ambitieuse

Afrique: Des systèmes éducatifs défaillants face à une jeunesse dynamique et ambitieuse
L'Ecole nationale de santé publique (ENSP) a lancé, lundi à Rabat (18/03/19), un atelier international portant sur la contextualisation des données probantes pour des politiques de santé informées par l'évidence dans le cadre de la consolidation du partenariat sud-sud de l'école.
mardi 26 novembre 2019 - 13:11

L’Afrique put se prévaloir d’une jeunesse dynamique, ambitieuse et avide d’apprentissage. D’ailleurs, cette catégorie représente plus de 60% de la population globale du continent et un peu plus de 40% de la population active, selon les dernières estimations des Nations Unies.

Toutefois, les choix qui s’ouvrent à cette jeunesse ne sont pas toujours évidents. Entre la formation qu’ils suivent au cycle supérieur et les besoins réels du marché du travail, la jeunesse africaine se trouve confrontée à plusieurs défis, notamment le chômage, qui tue toute flamme en eux.

A ce propos, l’Organisation internationale du travail (OIT) avait souligné dans l’un de ses rapports que les diplômés de l’enseignement supérieur du continent sont deux à trois fois plus exposés au chômage que les jeunes n’ayant pas poursuivi leur scolarité au-delà du primaire.

Dans ce sens, Hespress Fr a joint Khalid Chegraoui, Professeur d’Histoire et d’Anthropologie Politique à l’Institut des Études Africaines, Université Mohammed V, qui s’est livré à cœur ouvert sur la question de la formation au Royaume, l’enseignement supérieur, la jeunesse africaine et les enjeux auxquels ils font face, mais aussi le continent africain.

Hespress Fr: Aujourd’hui, les formations proposées dans le supérieur et vers lesquelles sont orientés les étudiants au Maroc en particulier et en Afrique en général, ne répondent pas aux besoins réels du marché du travail et du besoin du continent africain. Pourquoi donc ?

Khalid Chegraoui : Il y a trois grands créneaux, il y a l’enseignement public qui est ouvert à tous, à part la médecine et les écoles d’ingénieurs, et il y a tout ce qui est formation professionnelle et tout ce qui est école privée et université privée qui sont dans une autre catégorie.

Ce que je souhaite rappeler, en revanche, c’est que l’université publique n’est pas faite pour produire des diplômes afin qu’on trouve du travail. Ce n’est pas ça son boulot. L’université c’est la production du savoir et de la réflexion. Certes, aujourd’hui elle ne le fait pas convenablement par manque de moyens, de politique et du bon vouloir des décideurs. Mais l’université n’a jamais été là pour satisfaire le marché du travail. Oui, après l’indépendance, elle a joué ce rôle-là. Mais aujourd’hui, les choses ont changé, d’où la nécessité de revoir le système universitaire marocain autrement.

La question de la formation professionnelle, c’est extraordinaire, beaucoup de travail a été fait. Mais sur le plan culturel, il n’y a pas eu d’accompagnement de la société marocaine, qui croit jusqu’à aujourd’hui que la formation professionnelle c’est une seconde zone, un mode échappatoire, c’est pour les ratés de l’enseignement supérieur et autre, ce qui n’est pas le cas. Et là, il faut prendre école sur le système germanique par exemple. Il faut qu’il y ait une forme d’accompagnement culturel, il faut faire comprendre à la société marocaine que la formation professionnelle est aussi importante que n’importe quel diplôme universitaire, et il faut donner de la valeur aux diplômes de la formation professionnelle et des écoles techniques.

Le Maroc, a, depuis la fin du protectorat, suivi le modèle français dans l’enseignement. Faut-il aujourd’hui se détacher de l’école française, et son système pour améliorer la qualité de l’enseignement au Maroc, et pourquoi ne pas avoir recours à un autre modèle qui fonctionne bien aujourd’hui ?

Moi je dis qu’il va falloir prendre exemple sur d’autres modèles, pas uniquement anglo-saxons. Il y a le modèle germanique, scandinave, asiatique qui est également très important. Et surtout, ce qui m’intéresse, c’est que prendre exemple d’un modèle c’est bien, mais surtout poser des questions de manière endogène à travers des paradigmes et des soucis de l’intérieur et non pas de l’extérieur.

Juqu’au jour d’aujourd’hui, on n’a fait qu’importer des modèles, qu’ils soient pédagogiques, d’approche ou de gestion, de l’étranger. Oui parfois ils s’adaptent, mais ils ne donnent pas souvent de bons résultats à moyen et long terme, à court terme peut-être. Et surtout, ils ne peuvent pas s’adapter avec les changements sociétaux qu’on est en train de vivre.

Et c’est pour cela, qu’il va falloir revoir le système de formation, qu’il soit professionnel ou universitaire au Maroc, à travers des paradigmes, des soucis, et des questions marocaines, et en ce sens, on pourrait faire travailler convenablement les instituts qui sont responsables de ces trucs-là, principalement le CPR, les centres de formation pédagogique, les universités et autres.

Aujourd’hui, des départements comme ceux de psychologie sont complètement morts. Les départements de sociologie aussi malgré le fait qu’on est en train de les faire revivre, mais ce n’est pas suffisant. C’est ça le travail qui doit être fait, redonner les moyens à ses centres et départements, et de produire un savoir et une réflexion adéquate dans ce cadre-là et qu’il soit pratique par la suite.

Là, ce qui se passe, c’est qu’on a un troisième créneau qui est les universités privées, qui sont liées à des entreprises ou autres, mais le problème c’est que c’est toujours lié à une classe sociale qui a les moyens de se payer ces écoles et cela crée des différences terribles au sein de la société marocaine.

Pensez-vous que la nouvelle loi-cadre 57-17 relative au système de l’éducation et de l’enseignement, est en mesure aujourd’hui de réparer le système d’éducation nationale marocain défaillant ?

Je ne sais pas, mais c’est des décisions ministérielles, gouvernementales. Mais ce que je remarque depuis que je suis au milieu de cela, est qu’on a mis en place pas mal de lois cadres, de réformes, pas mal de nouveaux modèles. Mais jusu’à aujourd’hui, on n’a pas évalué ces anciens modèles pour savoir lequel a marché ou pas. La problématique, ce n’est pas de suivre le système français ou un autre système. Parce que même dans le système français, il y a des choses extraordinaires, et on a vécu avec ce système jusqu’à maintenant, et nous sommes le produit de ce système, on ne peut pas le nier. Rejeter ce système à 100% serait une erreur et l’accepter à 100% serait aussi une erreur.

À mon avis il va falloir évaluer tout ce système, prendre ce qui peut toujours marcher et réfuter ce qui est périmé, voir les évolutions aussi qui se font dans les universités françaises. Moi j’ai donné l’exemple, un des plus grands centres de réflexion qui est lié à la défense française, qui est lié aux affaires étrangères françaises, parle en Anglais. Pourquoi nous au Maroc on reste cloîtré dans des débats sentimentaux, l’arabe classique, le dialecte, le français. Peu importe. On peut même parler chinois aujourd’hui et ça serait beaucoup plus salutaire que de parler une autre langue, mais ce n’est pas ça le problème.

Revoyons les systèmes qui se pratiquent de par le monde. Il y a les systèmes plus au moins je dirais francophones, il y a l’Espagne à côté de nous avec son propre modèle, il y a les Germaniques, surtout les Allemands qui ont un modèle assez différent. Les pays scandinaves aussi ou les Asiatiques qui ont un modèle extraordinaire. Donc la question qui se pose est pourquoi ça fonctionne dans ces pays-là ?

C’est parce que, ce sont des modèles qui sont adaptés à leur culture à leurs besoins, à leur histoire et qui ont été mis en place à travers des questions et des paradigmes endogènes.

Mais nous? Au lieu de mettre en place une réflexion et de prendre le temps de réfléchir un an, deux ans, trois ans, ce qui est très peu, on ne prend même pas le temps de réfléchir quelques mois. Un gouvernement change, on vient avec une nouvelle procédure et une nouvelle loi-cadre. Mais faisons une petite pause. Revoyons ce qui a été fait auparavant. Il faut qu’il y ait une suite institutionnelle. On n’a pas de suite institutionnelle. Et puis, comment est-ce qu’on veut faire évoluer l’enseignement universitaire, sans qu’il y ait une approche très démocratique de l’enseignement universitaire.

On parle d’indépendance de l’université. Mais l’université n’a jamais été indépendante jusqu’ici. Elle dépend du budget de l’Etat. Aujourd’hui les facultés dépendent du bon vouloir du président de l’université qui n’est pas élu, mais choisi, ce qui est largement critiqué, puisque ce choix peut-être pour des raisons politiques, gouvernementales, çà dépend d’un certain nombre de critères. Ce qui est incompréhensible.

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